La question

Il est d’abord rappelé par l’auteur de la question que pour tenir compte de l’allongement de la durée de vie constaté dans le passé le législateur a actualisé en décembre 2003 le barème d’évaluation fiscale de l’usufruit et de la nue-propriété en augmentant sensiblement la valeur de l’usufruit et en diminuant corrélativement la valeur de la nue-propriété.

Depuis plus de quinze ans ce barème n’a pas été modifié alors même que la durée de vie a continué à progresser créant une réelle distorsion entre les valeurs fiscales et les valeurs économiques. En ne réajustant pas le barème de l’article 669 la valeur fiscale de l’usufruit est sous-évaluée alors que la valeur de la nue-propriété est inversement surévaluée.

Selon l’auteur de la question (et nous partageons son analyse) il serait donc souhaitable non seulement de rapprocher valeur fiscale de la valeur économique mais également de tenir compte des espérances de vie des hommes et des femmes qui ne se sont pas véritablement rapprochées. Les écarts de durée de vie entre les hommes et les femmes justifieraient incontestablement que le barème élaboré par l’administration tienne compte de cet état de fait, de même il serait certainement opportun d’en profiter pour réduire les tranches d’âge, actuellement de dix ans en dix ans et définir un barème pour des tranches d’âge de cinq ans en cinq ans.

 

La réponse

Les transmissions de propriété réalisées en recourant au mécanisme civil du démembrement de propriété bénéficient d’une fiscalité très favorable. En cas de donation avec réserve d’usufruit, l’évaluation de la valeur de la nue-propriété transmise est réalisée par application du barème, codifié à l’article 669 du code général des impôts (CGI), en fonction de l’âge de l’usufruitier.

Le donataire est ainsi imposé sur une assiette qui correspond à une part de la valeur de pleine propriété – part qui croît avec l’âge de l’usufruitier. Or, lors du décès du donateur, le nu-propriétaire est exonéré de droits de succession sur l’usufruit viager qu’il reçoit. En effet, lors de la réunion pour cause de décès de la pleine propriété sur une même tête, l’article 1133 du CGI prévoit qu’aucun droit n’est dû, ce qui constitue un avantage fiscal significatif en comparaison à l’imposition due lors d’une transmission en pleine propriété.

Le barème précité a été actualisé par l’article 19 de la loi de finances pour 2004 en vue de tenir compte de la hausse de l’espérance de vie depuis l’établissement de ce barème en 1901, soit durant un siècle. La hausse de la valeur de la nue-propriété avec l’âge de l’usufruitier se veut plus progressive avec une égalité des valeurs de l’usufruit et de la nue-propriété se situant au-delà de 61 ans contre 41 ans auparavant et la création de deux tranches supplémentaires au-delà de 71 ans, la dernière tranche concernant l’usufruitier de plus de 91 ans. Il en résulte par exemple qu’en cas de donation avec réserve d’usufruit effectuée par le donateur entre 61 et 70 ans, l’assiette taxable, constituée par la valeur de la nue-propriété, s’élève seulement à la moitié de la valeur de pleine propriété, contre 70 % avant 2004.

À cet égard, l’assiette sur laquelle est imposé le nu-propriétaire donataire, qui bénéficiera par ailleurs d’une exonération lors de la transmission de l’usufruit par succession, ne paraît aucunement surévaluée. Dans ces conditions, il ne serait pas justifié, au regard de la situation des finances publiques, d’abaisser davantage encore la part afférente à la nue-propriété en application de ce barème.

Par ailleurs, il n’est pas envisagé d’introduire de différence de traitement entre hommes et femmes pour l’application du barème (alors même qu’en tout état de cause, de nombreux autres facteurs que le sexe influent sur l’espérance de vie, tel que le niveau de vie).

Enfin, il est précisé que la périodicité de dix ans entre chaque tranche a été préférée pour des motifs de simplicité.

Concrètement

Le Sénateur Malhuret a interrogé le Ministre sur l’incidence de l’allongement de la durée de vie sur les valeurs de l’usufruit et de la nue-propriété. La réponse obtenue ne répond absolument pas aux légitimes remarques formulées dans la question.

Bercy écarte d’un revers de la main les observations pourtant pertinentes de l’auteur de la question. Patience…dans le siècle qui viendra le barème de l’article 669 du CGI sera peut-être mise à jour.

Source

RM MALHURET n°09524 JO Sénat 04/07/2019