Dans la continuité de nos précédents articles sur « l’année blanche », nous reviendrons cette fois-ci sur l’impact des réductions et crédits d’impôts dont les contribuables peuvent bénéficier au titre de l’année 2018. La question est pertinente et peut légitimement inquiéter : comment peut-on prétendre à une réduction d’impôt lorsque l’on n’a aucun impôt à acquitter en raison du crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR). Voici quelques explications….

PAS 2019 et réductions/crédits d’impôts

Un taux de PAS et un acompte qui ne tient pas compte des réductions et crédits d’impôt utilisés en 2017

La formule de calcul du taux du prélèvement à la source nous est donnée par la loi et confirmée par le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP).Il convient de faire le rapport entre l’impôt relatifs aux revenus perçus en 2017 et soumis à au prélèvement à la source (PAS) en 2019, divisé par le montant des revenus perçus en 2017 et soumis à au prélèvement à la source (PAS) en 2019.La formule fournie dans l’instruction fiscale est la suivante :Taux = [IR x (Rinclus / RNI) – CIétranger] / [Rras + Racompte]

IR = impôt sur le revenu résultant barème progressif de l’impôt sur le revenu

A noter que le BOFiP précises bien que « Le droit à modulation à la baisse n’est pas ouvert à raison des réductions et/ou crédits d’impôt ». Un contribuable qui sait que son imposition va baisser en raison de réduction et/ou crédit d’impôt ne peut donc moduler à la baisse au risque de s’exposer aux pénalités de 10%

Prenons un exemple :

Un couple sans enfant à charge a déclaré, au titre de 2017, 100 000 € de revenu imposable conduisant à un impôt brut de 18 587 €.

Les 100 000 € de revenu imposable se décompose ainsi :

  • 50 000 € de salaires diminués de 10% au titre des frais professionnels soit 45 000 € imposable
  • 30 000 € de rémunération de gérant majoritaire diminués de 10% au titre des frais professionnels soit 27 000 € imposable
  • 16 000 € de revenus fonciers nets
  • 20 000 € de dividendes imposés au barème après un abattement de 40%

Cet impôt a été minoré par diverses réductions et crédits d’impôt :

  • Employé à domicile : dépense de 4 000 € ouvrant droit à un crédit d’impôt de 2 000 €
  • FIP/FCPI : dépense de 10 000 € ouvrant droit à un crédit d’impôt de 1 800 €
  • Immobilier Scellier : investissement de 200 000 € ouvrant à une réduction d’impôt de 4 000 €
  • SCPI Pinel : investissement de 50 000 € ouvrant droit à une réduction d’impôt de 1 000 €

Le cumul des réductions et crédits d’impôt s’élève donc à 7 800 €

L’impôt dû en 2018 au titre de 2017 est donc de 18 587 € – 7 800 € = 10 787 €.

Pour autant, le taux du PAS sera déterminé sur la formule ci-desssu :

Taux = [IR x (Rinclus / RNI) – CIétranger] / [Rras + Racompte]

Taux = [18 587 € x (88 000 €/ 100 000 €) – 0] / [50 000 + (30 000 + 16 000)]

Taux = 17,0%

A compter de janvier 2019, le couple fera l’objet :

  • D’une retenue à la source de 17,0% sur le salaire imposable perçu chaque mois
  • D’un acompte sur la rémunération de gérance majoritaire de 17,0% x 30 000 € = 5 100 € étalé sur 12 mois (soit 425 € par mois)
  • D’un acompte sur les revenus fonciers de (17,0% + 17,2%) x 16 000 € = 5 472 € étalé sur 12 mois (soit 456 € par mois)

Concrètement, jusqu’à édition de l’avis d’imposition 2019 (relatif aux revenus 2018), le PAS se traduira chaque mois par :

  • Une minoration du salaire supposé linéaire de 708 € (17,0% sur les 4 167 € de salaire mensuel)
  • Un acompte de 881 € par mois (10 572 € sur 12 mois)

A noter qu’avec la mensualisation, le prélèvement mensuel aurait été de l’impôt net soit 10 787 € sur 10 mois soit 1 079 € mensuellement (soit 510 € de moins qu’avec le PAS).

Le bénéfice des réductions et crédits d’impôts 2019 reporté en 2020

Tout contribuable peut donc légitimement s’interroger sur la prise en compte effective des réductions d’impôts au titre des revenus de 2019 et surtout de la date…

La réponse est simple, oui, les réductions et crédits d’impôts « acquis » en 2019 seront pris en compte, après le dépôt de la déclaration relative aux revenus perçus en 2019, donc après mai 2020, et plus précisément après édition de l’avis d’imposition courant été 2020.

Cela signifie donc qu’un contribuable se verra appeler de l’impôt brut pendant toute l’année 2019 et ne se verra restituer le trop verser en raison des réductions et crédits d’impôt que courant troisième trimestre 2020. Certains pourraient y voir, à juste titre, une avance de trésorerie à l’Etat durant 20 mois environ….

Un avance sur les réductions et crédits d’impôts 2018 dès janvier 2019

Fort de ce constat, la loi dans sa version en vigueur aujourd’hui prévoyait une anticipation d’une partie du crédit d’impôt au titre des dépenses pour un employé à domicile et les frais de garde d’enfant de moins de 6 ans. L’Etat prévoyait donc de restituer 30% du crédit d’impôt obtenu en 2018 au titre des revenus de 2017 dès janvier 2019 ; soit 30% de 2 000 € en reprenant l’exemple ci-dessus…

Le 4 septembre dernier, le gouvernement a confirmé la mise en place du prélèvement à la source et a annoncé une majoration du crédit d’impôt anticipé en janvier 2019. Cette mesure n’est pas encore acquise, il convient d’attendre le projet de loi de finances (voire le vote définitif de celle-ci) pour connaître les mécanismes de cet avantage.

Toujours est-il qu’une newsletter du ministère de l’économie du 11 novembre est venue apportée quelques éclaircissement (encore une fois, non garantis, à défaut d’une loi de finances entérinant le dispositif) :

« Dès le 15 janvier 2019, les contribuables, bénéficiant d’un crédit et/ou d’une réduction d’impôt au titre de 2018 obtiendront le versement anticipé de 60 % de l’année précédente (réduction et/ou crédit d’impôt payé en 2018 au titre des dépenses engagées en 2017).

Cet acompte concernera les crédits et réductions d’impôt suivants :

  • le crédit d’impôt lié à l’emploi d’un salarié à domicile
  • le crédit d’impôt lié à la famille (garde d’enfants de moins de 6 ans)
  • la réduction d’impôt pour dépenses de dépendance (EHPAD)
  • les réductions d’impôt en faveur de l’investissement locatif
  • la réduction d’impôt pour dons à des associations

Le solde d’acompte vous sera versé en juillet 2019 après la déclaration de revenus permettant de déclarer le montant des dépenses effectuées en 2018 ouvrant droit aux crédits et/ou réductions d’impôt.

Les autres crédits/réductions d’impôt comme la réduction d’impôt liée à la souscription au capital d’une PME ne sont pas concernés par cet acompte et vous seront remboursés à l’été 2019. »

La synthèse est concise mais très claire, l’avance de crédit d’impôt ne concerne pas toutes les « défiscalisations » obtenues en 2017. La liste est limitative.

Si l’on reprend notre exemple, l’acompte de crédit et réduction d’impôt sera de :

60% x (2 000 € + 4 000 €+ 1 000 €) = 4 200 €

Une régularisation durant l’été 2019

Il ne s’agit pas d’un cadeau mais d’une simple avance sur l’imposition en septembre 2019 des revenus perçus en 2018. En effet, nous le verrons plus loin, il est possible en septembre 2019 de prétendre à un remboursement des réductions et crédits d’impôts au titre de l’année 2018, « année blanche », ce remboursement sera alors minoré de l’avance faite en janvier 2019.

« Année blanche » et réductions d’impôts

Mécanisme du CIMR 2019 sur les revenus 2018

Les commentaires de l’Administration fiscale traitant de l’année de transition ont été publiés en août 2018.

Le BOFiP a donné la formule de calcul de deux CIMR :

  • Celui annulant l’impôt sur les revenus ordinaires
  • Celui annulant les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ordinaire

CIMR annulant l’impôt sur le revenu

La formule relative à l’impôt sur le revenu est la suivante :

CIMR = [ IR x Rinclusnonexcep / RNI ] – CIétranger

[IR] est l’impôt sur le revenu issu de l’application du barème progressif et, le cas échéant, de la décote et de la réduction d’impôt prévues au 4 du I de l’article 197 du CGI calculé sur l’ensemble des revenus imposables perçus ou réalisés par le contribuable en 2018. L’impôt sur le revenu résultant de l’application d’un taux proportionnel ainsi que les autres contributions, taxes et prélèvements figurant sur le même article de rôle que l’impôt sur le revenu ne sont pas pris en compte. Il en est de même des réductions et crédits d’impôts acquis au titre de l’année 2018.

[Rinclusnonexcep] est égal à la somme des revenus nets imposables non exceptionnels perçus lors de l’année 2018 et entrant dans le champ d’application du prélèvement à la source.

[RNI] correspond à la somme des revenus nets catégoriels soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Sont concernés les revenus inclus dans le champ d’application du prélèvement à la source comme ceux qui en sont exclus, pour leur montant net imposable. Les déficits catégoriels ainsi que les déficits, charges et abattements déductibles du revenu global ne sont pas pris en compte.

[CIétranger] est le montant des crédits d’impôt prévus par une convention fiscale internationale, égal à l’impôt acquitté à l’étranger et correspondant à des revenus inclus dans le champ d’application du prélèvement à la source.

CIMR annulant les prélèvements sociaux

La formule relative aux prélèvements sociaux est la suivante :

CIMR = 17,2% x Rinclusnonexcep

Les règles de détermination des revenus non exceptionnels éligibles au CIMR ou à son crédit d’impôt complémentaire au titre de l’impôt sur le revenu sont applicables pour le calcul des revenus éligibles au crédit d’impôt en matière de contributions et prélèvements sociaux.

Le cumul CIMR, réduction et crédit d’impôt

Reprenons notre exemple précédent, nous supposerons toutefois que le couple n’a que des revenus ordinaires en 2018, il n’y a donc pas de dividendes. Le revenu imposable se décompose ainsi :

  • 50 000 € de salaires diminués de 10% au titre des frais professionnels soit 45 000 € imposable
  • 30 000 € de rémunération de gérant majoritaire diminués de 10% au titre des frais professionnels soit 27 000 € imposable
  • 16 000 € de revenus fonciers nets

Le couple continue de prétendre à diverses réductions et crédits d’impôt :

  • Employé à domicile : dépense de 4 000 € ouvrant droit à un crédit d’impôt de 2 000 €
  • FIP/FCPI : dépense de 10 000 € ouvrant droit à un crédit d’impôt de 1 800 €
  • Immobilier Scellier : investissement de 200 000 € ouvrant à une réduction d’impôt de 4 000 €
  • SCPI Pinel : investissement de 50 000 € ouvrant droit à une réduction d’impôt de 1 000 €

Sur la base d’un RNGI de 88 000 € en 2018, l’IR brut serait de 14 987 €. Le cumul des réductions et crédits d’impôt serait de 7 800 €, l’IR net serait alors de 7 187 €.

Les prélèvements sociaux seraient de 16 000 € x 17,2% = 2 752 €

Le CIMR IR est égal à :

CIMR = [ IR x Rinclusnonexcep / RNI ] – CIétranger

CIMR = 14 987 € x 88 000 € / 88 000 € – 0€ = 14 987 €

Le CIMR PSx est égal à :

CIMR = 17,2% x Rinclusnonexcep

CIMR = 17,2% x 16 000 € = 2 752 €

En septembre 2019, le couple recevra un avis d’imposition décomposé comme suit :

    • RNGI = 88 000 €
    • IR Brut = 14 987 €
    • Réduction d’impôt + Crédit d’impôt = – 7 800 €
    • Prélèvements sociaux = 2 752 €
    • CIMR IR = – 14 987 €
    • CIMR PSx = – 2 7 52 €
  • Total = – 7 800 €
    • Acompte janvier 2019 = 4 200 €
  • Solde = – 3 600 €

On voit bien que toutes les réductions et tous les crédits d’impôt sont restitués après déduction de l’acompte de janvier 2019.

Bilan financier

La réalisation d’un bilan des flux financiers au titre de l’année 2019 peut s’avérer judicieux et pourrait être réalisé ainsi :

Janvier

2019

Février à Août

2019

Septembre

2019

Octobre à décembre 2019
Retenue sur salaire (PAS2019) – 708 € – 708 € – 650 € – 650 €8
Acompte (PAS2019) – 881 € – 881 € – 827 €8 – 827 €8
Acompte RI/CI2018 + 4 200 €
IR2018 net + 3 600 €
Solde + 2 611 € + 1 589 € + 2 123 € + 1 477 €