La loi de finances pour 2018 a bouleversé le paysage fiscal patrimonial (Prélèvement à la source, Flat-tax, Réforme de l’IS, IFI…)
Au cours des derniers mois, l’administration fiscale a publié des centaines de pages de BOFiP, d’autres sont encore en attente…
Les conséquences immédiates et à terme des dispositions de la loi de finances pour 2018 sont nombreuses et souvent encore très mal maitrisées par les clients et leurs conseils.

Dans ce contexte un nouveau projet de loi de finances nous est proposé. Son contenu sera inévitablement enrichi dans le cadre du débat parlementaire. Le dispositif sera complété par une loi de financement de la sécurité sociale et probablement d’une loi finances rectificative. Enfin la loi PACTE actuellement en cours de discussion apportera elle aussi son lot de nouveautés.

Durant les derniers mois, l’activité jurisprudentielle ne s’est pas ralentie. Les juridictions ont en effet rendu plusieurs décisions importantes.

Nous vous proposons une analyse à chaud du projet. Elle ne présente pas un caractère exhaustif. Il conviendra d’attendre l’adoption définitive du texte avant d’en tirer des conséquences pratiques.

I. Le nouveau barème et ses mesures d’accompagnement

Le projet de loi de finances prévoit d’indexer les tranches de revenus du barème de l’IR ainsi que les seuils qui lui sont associés sur l’évolution de l’indice des prix hors tabac de 2018 par rapport à 2017, soit 1,6 %.
Ces dispositions s’appliqueront à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018.
Le présent article propose également, pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019, d’indexer les limites des tranches des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source sur l’évolution de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

A. Actualisation du barème

Montant du QF Taux Formule de calcul
De 0 € à 9 964 € 0% n.c.
De 9 807 € à 27 519 € 14% R x 14% – N x 1 394,96 €
De 27 086 € à 73 779 € 30% R x 30% – N x 5 814,00 €
De 72 617€ à 156 254 € 41% R x 41% – N x 13 929,69 €
Au-delà de 156 254 € 45% R x 45% – N x 20 179,85 €

B. Actualisation des seuils et plafonds

Seuils / Plafonds IR 2018 IR 2019
Abattement 10% sur T&S 430 € mini
12 305 € maxi Inchangé
Abattement 10% P&R 383 € mini
3 752 € maxi Inchangé
Micro BNC / Micro BIC meublé 70 000 € Inchangé
Micro BIC 170 000 € Inchangé
PEQF classique (1/2 part) 1 527 € 1 551 €
PEQF parent isolé (1 part) 3 602 € 3 660 €
PEQF personne seule ayant élevé 1 enfant (1/2 part) 912 € 927 €
Invalidité / Ancien combattant (1/2 part) 1 523 € 1 547 €
Pension alimentaire versée à un descendant 5 795 € 5 888 €

II. Les aménagements portant sur le prélèvement à la source

A. Acompte sur les réductions et crédits d’impôts 2018

De par l’effet du CIMR, nombre de contribuables ne seront pas imposables en l’absence de revenus exceptionnels taxables. Dès lors, l’utilité des réductions d’impôts peut s’avérer réduite. Le mécanisme du CIMR est tel que les réductions d’impôts pour un contribuable sans revenus exceptionnels seront remboursées (confère notre future newsletter sur le sujet). A ce titre, une avance sur ce remboursement est prévue.Initialement, l’avance d’acompte était de 30% et ne portait que sur les avantages fiscaux relatifs aux sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile et relatifs aux frais de garde des jeunes enfants.Le nouveau texte accroît le taux de l’acompte qui passe de 30% à 60% et sa base.
L’avance d’acompte sera désormais assise sur les dépenses faites en 2017 au titre :
• Des sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile (pas de changement)
• Des frais de garde des jeunes enfants (pas de changement) ;
• Des investissements locatifs (« Censi-Bouvard », « Scellier », « Duflot », « Pinel »). Afin de ne pas traiter de manière différente les investissements locatifs en outre-mer, la réduction d’impôt au titre du logement outre-mer ouvre également droit au bénéfice de l’avance ;
• Des dépenses d’hébergement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
• Des dons effectués par les particuliers ;
• Des cotisations syndicales.
Le montant minimum de versement de l’avance est réduit de 100 € à 8 €.

Attention :
• Il s’agit simplement d’une avance : si les réductions et crédits d’impôt au titre de 2018 sont moindres que celle obtenues en 2017, une partie de l’acompte peut être reprise par l’administration.
• Les autres réductions d’impôt accordées en 2017 telle que celle obtenues dans le cadre de FIP/FCPI/SOFICA ou bien dans le cadre du dispositif Girardin, ne sont pas prise en compte dans le cadre de cet acompte de 60%.

B. Aménagement du prélèvement à la source pour les employeurs particuliers

Afin de faciliter la mise en œuvre de la retenue à la source qui sera appliquée aux salaires versés par les particuliers employeurs, le chèque emploi service universel (CESU) et PAJEMPLOI mettront en place courant 2019 des dispositifs simplifiés de gestion du prélèvement à la source qui assureront le calcul de la retenue à la source et du montant de salaire net de retenue à la source à verser au salarié.

De plus, ils mettront à disposition de l’employeur un service dématérialisé, dit « tout en un », qui permettra à cet employeur de procéder au versement, par l’intermédiaire de ce service, des rémunérations dues au salarié qu’il emploie, déduction faite de la retenue à la source, de s’acquitter des cotisations et contributions de sécurité sociale afférentes ainsi que du montant de retenue à la source dû, tout en bénéficiant concomitamment des aides auxquelles il a droit au titre de l’emploi de ce salarié.

Pour maximiser le nombre d’utilisateurs de ce service « tout en un », et afin de poursuivre la montée en charge de la dématérialisation des démarches des utilisateurs CESU, il est proposé, à titre temporaire et exceptionnel, de dispenser les particuliers employeurs d’effectuer une retenue à la source sur les salaires qu’ils verseront en 2019 (ex : emploi à domicile, garde d’enfants).

A compter du 1er janvier 2020, les particuliers employeurs pourront utiliser les dispositifs et services susmentionnés mis à leur disposition par les sites CESU et PAJEMPLOI pour effectuer une véritable retenue à la source sur les salaires qu’ils versent.

En 2019, les rémunérations des salariés des particuliers employeurs versées cette même année ne feront donc l’objet d’aucune retenue à la source.

Afin d’éviter que les salariés concernés n’acquittent en 2020 une double contribution aux charges publiques constituée du prélèvement à la source sur les salaires perçus en 2020 et de l’impôt sur les salaires perçus en 2019 :
• en 2019, les salariés verseront un acompte afin d’anticiper, de manière contemporaine, le montant d’impôt sur le revenu dû au titre de 2019. Le versement de cet acompte, calculé sur la base des salaires perçus au titre de 2018, sera étalé sur les quatre derniers mois de l’année. Le contribuable sera accompagné par l’administration fiscale dans cette démarche ;
• en 2020, le paiement du solde de l’impôt sur le revenu des contribuables ayant perçu des salaires versés par un particulier employeur en 2019 sera étalé sur la période allant de septembre 2020 à décembre 2021, lorsque le solde excède 300 € et 50 % de l’impôt sur le revenu résultant de l’application du barème progressif.

Compte tenu de la mise en œuvre de cet acompte contemporain en 2019 anticipant, de manière contemporaine, le montant d’impôt sur le revenu dû au titre de 2019, l’effacement de l’impôt afférent aux salaires non exceptionnels perçus par les salariés de particuliers employeurs en 2018 par l’intermédiaire du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) ne sera pas remis en cause.

III. Nouveautés relatives au dispositif Dutreil transmission

Le texte prévoit sur ce dispositif des aménagements bienvenus

A. Cession par l’héritier ou le donataire de titres après la transmission à titre gratuit à un signataire de l’engagement collectif de conservation (ECC)

Dans le dispositif actuel, la cession de parts ou actions soumises à un ECC entraîne la remise en cause de l’abattement de 75% dont ont bénéficié tous les titres du cédant (donataire ou héritier), et non simplement ceux ayant fait l’objet de la cession, et cela même si le cessionnaire est partie à l’engagement collectif de conservation.

Le projet prévoit qu’en cas de non-respect de la condition de conservation prévue par l’un des héritiers, donataires ou légataires à la suite de la cession ou de la donation, à un autre associé de l’engagement, d’une partie des parts ou actions qui lui ont été transmises à titre gratuit, l’exonération partielle n’est remise en cause pour le cédant ou le donateur qu’à hauteur des seules parts ou actions cédées ou données.
Ce type de transmission ne provoquerait donc plus la remise en cause totale en cas de cession ou de donation, à un signataire de l’ECC, de titres transmis et ayant bénéficié de l’exonération de 75%.

B. Apport à une Holding pendant l’ECC

Actuellement, l’apport de titres soumis à l’engament collectif après la transmission à titre gratuit et alors que cet ECC est toujours en cours n’est pas possible.
Cette impossibilité d’apporter des titres ayant bénéficié de l’exonération partielle pendant l’ECC s’applique depuis le 12 septembre 2012 (date de la mise en ligne du BOFIP-Impôt). Antérieurement l’administration avait admis que l’abattement de 75% ne soit pas remis en cause dans l’hypothèse où l’apport était réalisé au profit d’une Holding qui avait souscrit à l’engagement collectif de conservation (BOI 7 G-3-12 du 22 mars 2012).

L’actuel article 787-B-f du CGI autorise expressément l’apport à la société holding de titres sous engagement individuel. Mais cette dérogation, nécessite le respect de plusieurs conditions.
La société bénéficiaire de l’apport doit avoir pour unique objet la gestion de son propre patrimoine constitué exclusivement de participations dans une ou plusieurs sociétés du même groupe que la société dont les parts ou actions ont été transmises et ayant une activité soit similaire, soit connexe et complémentaire. Ces conditions cumulatives devront être remplies depuis l’apport jusqu’au terme des engagements individuels ;
La société holding bénéficiaire de l’apport doit être détenue en totalité par les personnes physiques profitant de l’exonération. Le donateur peut toutefois y détenir une participation qui ne peut être majoritaire. Cette condition doit être remplie jusqu’au terme des engagements individuels.
La direction de la société holding doit être assurée directement par un ou plusieurs des héritiers, donataires ou légataires profitant de l’exonération. Cette condition doit être remplie jusqu’au terme des engagements individuels ;
La société holding doit prendre l’engagement de conserver les titres apportés jusqu’au terme de l’engagement individuel souscrit par les héritiers, donataires ou légataires profitant de l’exonération ;
Ces derniers doivent conserver les titres reçus en contrepartie de l’apport jusqu’au terme de l’engagement individuel qu’ils ont pris.

Nouveauté:
Il ne serait plus exigé que la Holding d’apport soit exclusivement détenue par les bénéficiaires de l’exonération et que son actif soit uniquement composé des titres apportés. Il suffirait que la valeur réelle de l’actif brut de la holding soit composée à plus de 50 % de participations dans la société soumises aux engagements de conservation individuels et collectifs et ce jusqu’à leurs termes.

C. Caractère figé des participations à chaque niveau d’interposition

En présence de sociétés interposées (simple ou double niveau) le bénéfice de l’exonération partielle est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif. Toutefois, le bénéfice du régime de faveur n’est pas remis en cause en cas d’augmentation de la participation détenue par les sociétés interposées.
Ce principe du caractère figé des participation à chaque niveau d’interposition s’applique également pendant la phase d’engagement individuel.

Le nouveau texte prévoit que « Le cas échéant, la société dont les titres sont transmis, qui possède directement ou indirectement dans les conditions prévues au 3 du b une participation dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation visé au a, doit conserver cette participation durant cette même période. »

D. Obligations déclaratives

Actuellement, à compter de la transmission et jusqu’à l’expiration de l’engagement collectif de conservation visé au a, la société doit en outre adresser, dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b sont remplies au 31 décembre de chaque année.

Le projet supprime cette obligation déclarative annuelle de fourniture à l’administration de l’attestation permettant de contrôler le respect des engagements souscrits.
Cette attestation ne serait à produire « qu’à première demande » de l’administration en début d’engagement et en fin d’engagement individuel. Dans les deux cas l’entreprise aurait trois mois pour produire cette attestation.

IV. Réforme de l’exit-tax

Le projet prévoit de remplacer, à compter du premier janvier 2019, l’actuel mécanisme d’exit tax par un nouveau dispositif anti-abus limité aux seules personnes qui, ayant quitté le territoire français, cèdent leurs titres moins de deux ans après leur départ.

Le remplacement du dispositif de taxation des plus-values latentes lors du départ hors de France n’affectera pas l’imposition des plus-values placées en report d’imposition avant ce départ, pour lesquelles le fait générateur d’imposition est déjà constitué en France.
En outre, le sursis de paiement de l’impôt sera désormais accordé de plein droit, sans constitution de garanties, non plus seulement en cas de départ vers un État membre de l’Union européenne ou certains États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, mais aussi vers tout autre État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement.

La constitution de garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor restera en vigueur pour les contribuables transférant leur domicile dans un État ou territoire n’ayant pas conclu avec la France de telles conventions.

V. Possibilité d’un option pour l’IS révocable pour certaines sociétés

Les sociétés et groupements mentionnés à l’article 206-3 du CGI relèvent par principe du régime des sociétés de personnes.

Sont concernés :
a. Les sociétés en nom collectif ;
b. Les sociétés civiles mentionnées au 1° de l’article 8 ;
c. Les sociétés en commandite simple ;
d. Les sociétés en participation ;
e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique ;
f. Les exploitations agricoles à responsabilité limitée mentionnées au 5° de l’article 8 ;
g. les groupements d’intérêt public mentionnés à l’article 239 quater B ;
h. Les sociétés civiles professionnelles visées à l’article 8 ter ;

L’article 239-1 du CGI autorise ces sociétés, sauf celles visées par une exclusion expresse, à opter pour le régime des sociétés de capitaux. Cette option a un caractère irrévocable.

Le projet crée une exception au principe d’irrévocabilité de l’option pour l’impôt sur les sociétés.
Il autoriserait ces sociétés et groupements qui ont opté pour le régime des sociétés de capitaux à renoncer à leur option avant la fin du mois précédant la date limite de versement du premier acompte d’impôt sur les sociétés de l’exercice au titre duquel la renonciation à l’option s’applique.
Bien entendu, le changement de régime fiscal provoquerait plusieurs conséquences fiscales…

VI. Diminution de l’avantage fiscal accordés aux ultra marins.

Le projet de loi de finances prévoit d’abaisser les limites de la réduction d’impôt sur le revenu applicable aux contribuables domiciliés dans les collectivités visées à l’article 73 de la Constitution (départements et régions d’outre-mer).

Ainsi, le montant de l’impôt sur le revenu résultant de l’application du barème progressif sera réduit de 30 %, dans la limite de 2 450 €, au lieu de 5 100 €, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, et de 40 %, dans la limite de 4 050 €, au lieu de 6 700 €, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guyane et de Mayotte.

La mesure, qui s’appliquerait à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018, contribuera au financement des mesures annoncées dans le Livre bleu de l’outre-mer, tout en améliorant l’efficience et l’équité de cette dépense fiscale.

VII. Prorogation du CITE

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) arrive à échéance au 31 décembre 2018.

Compte tenu de la nécessité de maintenir un mécanisme incitatif à la réalisation de travaux de rénovation énergétique des logements afin de permettre à la France de respecter ses engagements environnementaux, le présent article a pour objet de proroger la période d’application du CITE pour une année, soit jusqu’au 31 décembre 2019.

Cette prorogation permettra d’assurer la continuité du soutien public à la rénovation énergétique des logements dans l’attente de la mise en place d’un mécanisme consistant en le versement d’une somme d’argent, afin d’accompagner de manière plus efficiente les personnes rénovant leur logement.

L’article 79 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a recentré le crédit d’impôt sur les équipements, matériaux ou appareils présentant les effets de levier les plus importants et un meilleur rapport coût-bénéfice environnemental. L’efficience du dispositif ayant été améliorée, les modalités du crédit d’impôt ne sont pas modifiées.