Les faits

Un époux décède, laissant à sa survivance son conjoint et trois enfants, dont deux non communs.

En 2000, les époux avaient changé de régime matrimonial pour adopter le régime conventionnel de la séparation de biens avec adjonction d’une société d’acquêt(s) – « un îlot de communauté dans un monde séparatiste » -.

La société d’acquêt(s) considérée est essentiellement composée d’un fonds libéral d’auto-école, fonds qui était la propriété personnelle du défunt avant sa « mise en société d’acquêt(s) » – d’aucuns parleraient « d’apport » à la société d’acquêt(s) – …

Une clause du contrat de mariage stipule que le conjoint survivant aura vocation à la totalité des biens composant la société d’acquêts en question.

Consécutivement au décès de M., Mme devient propriétaire du ou des biens inclus dans le périmètre de la société d’acquêts, et par suite devient seule propriétaire du fonds libéral d’auto-école (CQFD).

Les deux enfants d’un premier lit y voient un « avantage matrimonial » au profit de la marâtre et intentent l’action dite « en retranchement » prévue à l’article 1527 al. 2 du Code civil.

La question posée de manière générale

La société d’acquêt(s) peut-elle générer un avantage matrimonial ? Autrement dit : peut-on trouver un avantage matrimonial au sein d’une société d’acquêt(s) ?

Qu’en pense la haute Juridiction ?

La Cour de cassation indique en substance :

Qu’il s’agit bien d’un avantage matrimonial car le fonds était personnel à M. ;

Par suite, cet avantage matrimonial doit être pris en compte dans les opérations de liquidation en présence d’enfants nés d’une première union

 

(…)

Mais attendu qu’après avoir constaté que Marcel X…a laissé pour lui succéder son épouse et des enfants issus de deux unions, l’arrêt relève que les époux ont changé de régime matrimonial en 2000 pour adopter celui de la séparation de biens avec société d’acquêts composée pour l’essentiel du fonds de commerce d’auto-école dans lequel ils exerçaient tous deux leur activité professionnelle ; qu’il retient que, selon l’extrait Kbis produit aux débats, ce fonds de commerce a été créé par Marcel X…le 3 mai 1982, soit avant son mariage avec Mme Y…, ce que confirment les statuts de la société Mirabeau conduite, constituée le 9 août 2002, de sorte qu’il s’agit d’un bien propre de l’époux ; que, par ces énonciations et appréciations, dont il résultait que Marcel X…avait fait apport à la société d’acquêts d’un bien personnel, ce qui constituait un avantage matrimonial à prendre en compte lors des opérations de liquidation en présence d’enfants nés d’une première union, la cour d’appel, qui n’a pas dit que le fonds de commerce n’appartenait pas à la société d’acquêts soumise aux règles de la communauté, a légalement justifié sa décision ;

(…)

Observation(s), remarque(s) non exhaustives :

Les enjeux ?

Faire réintégrer (on parle alors de réunion fictive) la valeur du fonds libéral dans l’actif successoral afin de pouvoir chiffrer la réserve héréditaire sur une masse de calcul (C. civ., art. 922) comprenant ledit avantage. En clair, calculer la réserve de tous les enfants sur une assiette plus large !

Oui, mais comment calculer cet avantage matrimonial ? Comment le chiffrer, par rapport à quel étalon ?

La Cour de cassation est restée muette – car non saisie – sur cette question liquidative des plus intéressante et les avis, en doctrine, divergent (V. not. B. Vareille in RTDC civ., 2018 p. 204).

  • Et une fois la masse de calcul « correctement » déterminée, comment imputer l’avantage matrimonial ?
  • Sur quelle quotité ? Qui choisit la quotité en question ?
  • Et la réduction, si réduction il y a, sera-t-elle en nature ou en valeur – V. Cass. 1ère civ., 7/12/2016 n°16-12216, F-S+P+B – ?

Nous aborderons ces questions lors du séminaire de rentrée fin août, chiffres à l’appui, afin de bien sérier les enjeux liquidatifs découlant de cette décision dont on a pris la pleine et entière mesure, d’un point de vue civil et financier.