Alors que nous sommes en train d’analyser les multiples impacts des dernières lois de finances (Flat Tax, Prélèvement à la source, IFI…) le Conseil des prélèvements obligatoires vient de publier son rapport consacré aux prélèvements sur le capital des ménages.

Il s’agit d’une analyse riche et intéressante qui impactera potentiellement la fiscalité de demain.

I. L’état des lieux : Le capital des ménages en forte augmentation… et un mille feuilles fiscal….

 Fin 2015, le capital net des ménages représentait près de 11 000 milliards d’euros contre 5 000 milliards d’euros en 2000, soit une augmentation de près de 71 % hors inflation. En 15 ans, le patrimoine a progressé plus vite que les revenus des ménages, qui n’ont augmenté que de 17 %. Leur patrimoine, net de leurs dettes, est ainsi passé de 5,6 années de revenu disponible en 2000 à 8,3 années en 2015.

Jusqu’au 31 décembre 2017, les prélèvements sur le capital des ménages ont consisté en six impôts principaux, prélevés tant sur la détention de patrimoine – taxe foncière et impôt de solidarité sur la fortune –, sur la perception des revenus qu’il génère – soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux – que sur sa transmission, à titre gratuit (droits de succession et de donation) ou onéreux (cessions).

II. Efficacité des dispositifs

Le rapport présente une étude globale qui analyse l’efficacité des différents dispositifs. Une comparaison internationale est aussi proposée.

Pour accéder à l’ensemble du rapport, merci de cliquer ICI.

III. Propositions

Le rapport propose plusieurs pistes permettant de faire évoluer à l’avenir les mécanismes fiscaux.

Proposition 1

Renforcer la prévisibilité des prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, notamment par :

– le recours aux clauses dites « de grand-père » permettant de maintenir, de manière définitive ou pour une durée déterminée suffisante, le régime fiscal existant pour les situations en cours ;

– l’application limitée des modifications de régime aux opérations effectivement nouvelles ;

– leur mise en œuvre avec une période de transition suffisante afin de permettre aux ménages de s’adapter.

Proposition 2

Imposer les plus-values immobilières après prise en compte de l’érosion monétaire. En contrepartie les abattements pour durée de détention seraient supprimés.

Proposition 3

Unifier le régime fiscal des locations meublées et celui des locations nues.

 Proposition 4

Afin de contribuer à fluidifier le marché immobilier et de favoriser la mobilité géographique des personnes, il est proposé d’alléger les droits de mutation à titre onéreux dus par l’acquéreur.

Proposition 5

Abaisser les plafonds de versement des livrets d’épargne réglementée (LA, LDD, LEP, LJ) en reconsidérant le niveau cumulé de défiscalisation.

Proposition 6

Réexaminer les taux et les abattements dérogatoires applicables aux revenus des contrats d’assurance vie, au titre des nouveaux versements.

Deux options sont envisagées :

Option 1 – Appliquer pour l’avenir le PFU à l’ensemble des revenus perçus sur les nouveaux versements d’assurance-vie, et pas seulement aux contrats dont l’encours excède 150 000 € ;

Option 2 – Imposer les revenus de l’assurance-vie en fonction de l’ancienneté réelle des versements et non de la date d’ouverture du contrat.

Proposition 7

Renforcer l’attractivité des donations (par rapport aux successions) Ici aussi, deux options principales sont envisagées.

  • rehausser l’imposition des successions par rapport aux donations (par exemple en diminuant l’abattement, voire en réservant son application aux donations) ;
  • à l’inverse, alléger l’imposition des donations par rapport aux successions ; il s’agirait d’une mesure de baisse ciblée sur les transmissions aux jeunes générations (par exemple en modifiant le barème d’imposition des donations, les abattements applicables ou le délai de rappel des donations antérieures).

En outre, il est suggéré de poursuivre la réduction de l’avantage successoral de l’assurance-vie qui n’encourage pas l’anticipation des donations.

Proposition 8

Engager une réflexion sur l’adaptation des droits de mutation à titre gratuit aux évolutions sociologiques de la famille, et notamment sur le traitement fiscal des transmissions à l’enfant du conjoint.

Le droit actuel ne prend pas en compte la hausse du nombre de familles recomposées. En 2011, 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans, soit un enfant sur dix, vivent dans 720 000 familles recomposées. Or, en droit civil, seuls sont héritiers réservataires les descendants (outre le conjoint survivant en l’absence de descendant). Les règles légales de dévolution de la succession (art. 734 du code civil), fixant l’ordre dans lequel les héritiers sont appelés à succéder par différents liens de parenté, ne connaissent pas la catégorie des enfants du conjoint alors qu’elles mentionnent les descendants des frères et sœurs.

Sur le plan fiscal, les transmissions consenties aux enfants du conjoint ne bénéficient pas du barème applicable aux transmissions en ligne directe : le taux est celui applicable en l’absence de tout lien de parenté. Les familles concernées ont donc recours à des solutions complexes, via l’assurance-vie en particulier, voire l’adoption de l’enfant du conjoint.

L’alignement complet des règles applicables aux transmissions à l’enfant du conjoint sur celles applicables aux transmissions en ligne directe est délicat.

Il pourrait être envisagé, à droit civil constant, de prévoir que la transmission aux enfants du conjoint, par voie de donation ou de testament, s’opère à des conditions fiscales plus favorables que les conditions actuelles. Le bénéficiaire de la donation ou du testament pourrait être imposé, soit dans les mêmes conditions que les héritiers en ligne directe, soit à défaut à des conditions moins rigoureuses que l’actuelle imposition au taux de 60 %. Ainsi serait prise en compte, du point de vue fiscal, la réalité des relations nouées à l’intérieur d’une famille recomposée, réalité démontrée par la volonté de transmettre du donateur ou du testateur.

Conclusion

On sera attentifs à l’usage qui sera fait de ce rapport. L’avenir des fiscalistes est assuré !