Les stratégies d’enrichissement du dirigeant d’une société relevant dL’ae l’impôt sur les sociétés est une question qui prend une ampleur importante en 2018 en raison de la conjonction de deux « phénomènes » fiscaux, à savoir le prélèvement à la source et « l’année blanche » et la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique de 12,8% au titre de l’impôt sur le revenu[1]. Face à cette situation, les conseils vont bon train et font preuve parfois d’une certaine originalité qui amènera à coups sûrs à des contentieux fiscaux et sociaux… La bienveillance du conseil face à son client dirigeant doit primer sur l’euphorie de l’optimisation fiscale et sociale. A ce titre, nous vous proposons une réflexion sur les dividendes versés au gérant majoritaire d’une SARL/EURL et l’impact de l’assujettissement aux cotisations sociales et de la prise en charge de ces dernières soit par la société soit par le dirigeant à titre personnel…

Les cotisations sociales du TNS

L’assujettissement des dividendes aux cotisations sociales pour le gérant majoritaire est codifié à l’article L131-6 du Code de la sécurité sociale (CSS). Cet article a fait l’objet d’une réécrite à compter de septembre 2018 par voie d’ordonnance.

La base des cotisations sociales

L’article précédemment cité dispose :

« L’assiette des cotisations […]  est constituée des revenus […] à retenir pour le calcul de l’impôt sur le revenu »Se pose alors la sempiternelle question du dividende, doit-il être retenu pour le montant brut ou le montant net de l’abattement de 40% ?

A la lecture de la loi, le débat est très vite clos, il s’agit du dividende ayant servi de base de calcul à l’impôt sur le revenu. Deux possibilités :

  • Le dividende est soumis à la taxation forfaitaire de 12,8% assise sur le dividende brut et les cotisations sociales assises sur la même base
  • Le dividende est soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu donc sur le dividende net de l’abattement de 40% et les cotisations sociales assises sur la même base

Certains auraient pu croire que l’ordonnance aurait pu changer cette analyse. Il n’en est rien. L’article L131-6 du CSS réintroduit dans l’assiette de calcul l’abattement fiscal de 10% sur la rémunération du gérant majoritaire, l’abattement variable si l’activité est exercée dans un quartier type ZFU… L’article L131-6 ne prévoit aucunement la réintroduction de l’abattement de 40% dans l’assiette de calcul des cotisations sociales.

Le taux des cotisations sociales

Le régime des cotisations sociales des travailleurs non salariés (TNS) fonctionne de manière inverse à l’impôt sur le revenu. Si le barème de l’IR est progressif (plus je gagne, plus je paie sur chaque nouvel euro gagné), le barème des TNS est dégressif (plus je gagne, moins je paie sur chaque nouvel euro gagné).Cette dégressivité des cotisations implique une maîtrise relativement importante des barèmes applicables à chaque branche d’activité des TNS. En effet, chaque caisse de retraite de prévoyance utilise un barème qui lui est propre.Dans un souci de simplification, nous retiendrons le régime des TNS cotisations pour la prévoyance et le retraite à l’ex-caisse du RSI devenu SSI depuis.La hausse du taux de la CSG déductible de 1,7 points a été compensée par une baisse d’autres cotisations à savoir l’assurance maladie/maternité et les allocations familiales.Un régime de progressivité des deux cotisations précédemment citées a été mis en place jusqu’à 110% du PASS[2] pour la maladie/maternité et 140% du PASS pour les allocations familiales.Au-delà de 140% du PASS, les cotisations sociales du TNS RSI sont les suivantes :

1,1 à 4 PASS 4 à 5 PASS + de 5 PASS
Maladie/Maternité 6,35% 6,35% 6,50%
Indemnités journalières 0,85% 0,85% 0,00%
Allocations familiales 3,10% 3,10% 3,10%
Retraite de base 0,60% 0,60% 0,60%
Retraite complémentaire 8,00% 0,00% 0,00%
Prélèvements sociaux (9,7%) 11,53% 10,76% 10,69%
TOTAL 30,43% 21,66% 20,89%

Les cotisations sociales sont donc bien dégressives, plus étonnant encore, les cotisations sociales dites déplafonnée (au-delà de 5 PASS) représentent 20,89% lorsque les prélèvements sociaux (PSx) sont de 17,2%…Quelle différence alors entre les deux ? Et bien, il s’agit de la quote-part déductible…

1,1 à 4 PASS 4 à 5 PASS + de 5 PASS PSx
TOTAL 30,43% 21,66% 20,89% 17,2%
Dont déductible 26,98% 18,44% 17,69% 6,80%

Pour les cotisations sociales, ne sont pas déductible 2,40% de CSG et 0,50% de CRDS soit une total de 2,90%.Pour les prélèvements sociaux, seule la CSG est déductible dans la limite de 6,80% et à condition que le revenu ait été imposé au barème progressif de l’impôt sur le revenu. On notera ici que tout revenu ou gain soumis au PFU à 12,8% n’ouvrira pas droit à de la CSG déductible.Fort de ce préalable, nous pouvons nous attarder sur le dividende soumis à cotisations sociales.

Les cotisations sociales sur dividendes

Dividendes et prélèvements sociaux

Les dividendes peuvent être soumis à prélèvements sociaux au taux de 17,2% lorsqu’ils sont versés à un non gérant majoritaire de SARL/EURL (mandataires de SA ou SAS notamment).

La fiscalité du dividende dans l’hypothèse d’une taxation au PFU serait alors la suivante sur une base 10 000 :

Résultat avant IS 13 889
IS à 28% – 3 889
Résultat après IS 10 000
Dividende brut 10 000
PFU – 1 280
PSx – 1 780
Dividende net perçu 7 000
Coût fabrication du dividende 1,98 x net

Dividendes et cotisations sociales payées par le bénéficiaire

Ici encore, il nous faut faire des hypothèses, nous retiendrons que le dividende serait soumis au taux le plus bas des cotisations sociales soit 20,89% dont 17,69% déductibles.

Les cotisations sociales seront dans un premier temps prises en charge par le dirigeant en moins prenant sur le dividende brut perçu.

Résultat avant IS 13 889
IS à 28% – 3 889
Résultat après IS 10 000
Dividende brut 10 000
PFU – 1 280
PSx – 0
Cotisations sociales pro – 2 089
Dividende net perçu 6 631

S’arrêter à ce tableau serait une grossière erreur, étant donné que les cotisations sociales ont été acquittées à titre personnel par le dirigeant, elles deviennent déductibles de son revenu imposable en application du 10° du II de l’article 156 du CGI.

Cette déduction n’est que partielle 17,69% sur 20,89% mais elle conduit à une minoration de l’imposition des revenus à concurrence de la tranche marginale d’imposition supposée de 41%.

Le tableau complet devrait être alors le suivant :

Résultat avant IS 13 889
IS à 28% – 3 889
Résultat après IS 10 000
Dividende brut 10 000
PFU – 1 280
PSx – 0
Cotisations sociales pro – 2 089
   Dont déductibles – 1 769
Dividende net perçu 6 631
Économie IR sur cot. Soc. Déd. 733
Dividende net perçu + Eco IR 7 364
Coût fabrication du dividende 1,89 x net

Il apparaît donc que malgré l’assujettissement aux cotisations sociales, le dividende net est plus important que celui soumis à la « flat tax » de 30%….Une dernière question se pose, qu’en est-il si les cotisations sociales avaient été prises en charge par la société qui verse le dividende ?

Dividendes et cotisations sociales payées par la société

La prise en charge des cotisations sociales par la société soulève de nombreuses difficultés telles que :

  • Comment expliquer aux autres associés (soumis à prélèvements sociaux) subissent un frottement sociale « en dedans » diminuant le net perçu alors que le gérant majoritaire voit son frottement social pris en charge par la société augmentant par la même occasion son net perçu et impact le bénéfice futur de la société donc le dividende à venir des autres associés ?
  • Les cotisations sociales constituent une charge personnelle du dirigeant, la prise en charge par la SARL/EURL constitue donc un complément de rémunération. Ce complément de rémunération est-il prévu dans le PV d’AG ? Ne constitue-t-il pas une rémunération excessive au sens de l’article 39 du CGI ?

Nous ferons fi de ces problématiques pour nous limiter à une approche chiffrée.

Le calcul pour le gérant bénéficiaire du dividende est le suivant :

Résultat avant IS 13 889
IS à 28% – 3 889
Résultat après IS 10 000
Dividende brut 10 000
PFU – 1 280
PSx – 0
Cotisations sociales pro – 0
   Dont déductibles – 0
Dividende net perçu 8 720
Cot. soc. non déd. 320
IR sur cot. soc. non déd. – 131
Dividende net perçu – IR 8 589

S’arrêter à ce tableau est une erreur, car il n’est pas tenu compte des cotisations sociales acquittées par la société.La société aura donc dû faire 13 889 € de résultat avant IS et supporter un coût de 2 089 € supplémentaire en raison de la prise en charge des cotisations sociales sur dividende. Le coût total est donc de 15 978 € pour un net perçu de 8 589 €. Le coût de fabrication est alors de 1,86.

En résumé

Pour résumer, nous pouvons réaliser le tableau suivant :

Résultat avant IS avant cot. soc + 13 889 + 13 889 + 15 978
Cot. soc. payées par la SARL 2 089
Résultat avant IS après cot. soc + 13 889 + 13 889 + 13 889
IS à 28% – 3 889 – 3 889 – 3 889
Résultat après IS + 10 000 + 10 000 + 10 000
Dividende brut + 10 000 + 10 000 + 10 000
PFU – 1 280 – 1 280 – 1 280
PSx – 1 720 – 0 – 0
Cotisations sociales pro – 0 – 2 089 – 0
   Dont déductibles – 0 – 1 769 – 0
Dividende net perçu 7 000 6 631 8 720
Économie IR sur cot. Soc. Déd. + 0 + 733 + 0
IR sur cot. soc. non déd. – 0 – 0 – 131
Dividende net perçu +/- IR 7 000 7 364 8 589
Coût fabrication du dividende 1,98 x net 1,89 x net 1,86 x net

Il apparaît donc que le dividende soumis à prélèvements sociaux n’est pas la meilleure des solutions. De plus, entre une prise en charge des cotisations sociales par le gérant bénéficiaire ou par la société, l’écart est faible, mais en faveur d’une prise en charge par la SARL/EURL. Si tel est le cas, tout devra être parfaitement géré d’un point de vue juridique pour écarter toute remise en cause de la déduction fiscale des cotisations sociales du résultat imposable de la société.

Bien entendu, le tableau ci-dessus peut être refait en modifiant les hypothèses :

  • Un taux de cotisations sociales plus importants
  • Une tranche marginale d’imposition plus faible ou plus importante
  • Un taux d’IS réduit

Enfin, n’oublions que l’année 2018 est une année à revenus blancs et revenus gris respectivement exonérés et taxés. La rémunération peut être blanche sous condition tandis que le dividende est quoiqu’il arrive un revenu gris.

L’arbitrage rémunération dividende en 2018 va donc être au cœur des préoccupations des dirigeants et impliqué un savoir-faire calculatoire et juridique sans faille pour conseil qui accompagnera ledit dirigeant.

A noter que ce PFU est pour l’instant un simple acompte non libératoire. Il ne deviendra libératoire que si deux conditions sont réunies, la non option pour le barème lors de la déclaration 2019 des revenus 2018 et la non remise en cause du principe du PFU par la loi de finances pour 2019 ou loi de finances rectificative pour 2018, toutes deux votés fin 2018.PASS = Plafond Annuel de la Sécurité SocialeDéduction mentionnée en case 6DD de la déclaration de revenus