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Analyse par JACQUES DUHEM

 

 

Lors de sa dernière séance, le comité consultatif de l’abus de droit a rendu un nouvel avis concernant les opérations d’apports/cessions.

 

L’affaire vise des faits antérieurs à la réforme de la loi de finances rectificative pour 2012. Cependant les enseignements que nous pouvons tirer de cette affaire sont transposables aux opérations réalisées sous couvert de cette nouvelle loi.

I           Quels étaient les faits ?

Acte 1

En 1980, les membres d’une famille créent une société anonyme (au capital d’environ 38 K€) ayant une activité opérationnelle.

Acte 2

En mai 2008, la totalité des associés de la SA apportent (pour environ 900 K€) leurs actions à une société civile holding créée à cet effet. Cette dernière opte dès sa création pour son assujettissement à l’IS.

L’opération bénéficie du sursis d’imposition prévu par l’article 150 0 B du CGI dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits.

Acte 3

Le 10 octobre 2008, la société civile cède les actions de la SA à une société tierce pour environ 760 K€.

Acte 4

En avril 2009 et en avril 2010, la société civile achète deux maisons pour un montant total de 500 K€ et engage des dépenses à des fins de location en meublé. En 2009, une des deux maisons est donnée en location saisonnière.

Une autre partie du prix de cession, alimente le compte courant de l’un des associés de la société civile. Le solde est placé sur des valeurs mobilières de placement.

Acte 5

En décembre 2011, le fisc rédige une notification de redressement, en utilisant la procédure de  répression des abus de droit, estimant que les contribuables ont réalisé une utilisation abusive du sursis d’imposition.

II         L’analyse du Comité

Le comité relève que la SCI a pour seule activité effective, la location en meublé. Il souligne qu’il s’agit d’une activité à caractère patrimonial et que donc la société civile n’a pas procédé à un véritable réinvestissement économique.

En outre, le schéma a permis à un associé, d’appréhender une partie des liquidités issues de la vente.

Le verdict est dès lors clair : l’abus de droit est ici caractérisé.

Et sans surprise, Bercy prend acte de cette décision qui lui est favorable.

III        Notre point de vue

Le mécanisme du sursis d’imposition a été mis en place pour favoriser les opérations de restructuration et de développement des patrimoines professionnels. Le sursis permet de pallier l’absence de liquidités dans les opérations d’apport.

Dans l’espèce examinée par le comité, les contribuables ont utilisé le régime afin de muter d’une société opérationnelle à une société patrimoniale. En outre, un des associés a pu appréhender indirectement une quote part de prix de cession. L’application du sursis n’était donc pas justifiée. L’opération était trop éloignée de l’esprit du texte.

L’autre intérêt de cet avis porte sur le fait que le réinvestissement sur des actifs destinés à être exploités en location en meublé ne peut être analysé en soi comme un réinvestissement économique. (Le comité soulignant l’absence de services para-hôtelier).

La location en meublé, simple, ne peut donc être considérée comme une activité opérationnelle.

Remarque :

Pour les apports réalisés à compter du 14 novembre 2012, deux régimes différents co-habitent. Le premier concerne les apports au profit de sociétés non contrôlées par l’apporteur, le second ceux réalisés au profit de sociétés contrôlées par l’apporteur. Dans le premier cas, le mécanisme du sursis d’imposition continue à s’appliquer, dans le second, c’est désormais un mécanisme de report automatique d’imposition qui a été mis en place.

Dans le régime du report d’imposition, l’échange n’est pas considéré comme une simple opération intercalaire (contrairement au sursis). La plus-value brute en report est donc égale à la différence entre le prix des titres reçus par le contribuable à la date de de l’échange et le prix d’acquisition des titres remis à l’échange.

Modalités d’application

Le champ d’application est identique à celui du sursis.

L’apport doit être réalisé en France, dans un Etat membre de l’Union européenne ou un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale d’assistance administrative, à une société soumise à l’impôt sur les sociétés (ou à un impôt équivalent).

En cas d’apport ultérieur des titres reçus en rémunération de l’apport (ou des titres des groupements ou sociétés interposées), l’imposition de la plus-value réalisée à cette occasion est elle-même reportée dans les mêmes conditions.

L’apport doit être réalisé par une personne physique directement, ou indirectement via une société ou un groupement interposé soumis au régime des sociétés de personnes.

La société bénéficiaire de l’apport doit être contrôlée par le contribuable. Cette condition est appréciée à la date de l’apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l’issue de celui-ci.

Quelles sont les évènements mettant fin au report ?

Trois situations doivent être distinguées

a)           La cession des titres du holding (titres reçus lors de l’apport)

Il est mis fin au report d’imposition lors de la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport.

b)           La cession par le holding des titres apportés

Il est mis fin au report à l’occasion de la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres apportés à la société bénéficiaire dans un délai de trois ans à compter de l’apport, sauf si cette société réinvestit dans un délai de deux ans à compter de la cession au moins 50 % du produit de la cession dans une activité économique.

Une cession intervenant plus de trois ans après l’apport ne met donc pas fin au report, que la société bénéficiaire de l’apport réinvestisse ou non le produit de la cession dans une activité économique.

Il y a réinvestissement économique lorsque la société bénéficiaire de l’apport procède au financement d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (ou à l’acquisition d’une fraction du capital d’une société exerçant une telle activité qu’elle contrôle) à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier. Le réinvestissement peut également prendre la forme d’un apport à une ou plusieurs sociétés répondant aux mêmes conditions.

c)           Donation des titres du holding reçus lors de l’échange

Lorsque les titres reçus en rémunération de l’apport font l’objet d’une donation (ou d’un don manuel), et que le donataire contrôle la société bénéficiaire de l’apport, la plus-value en report est imposée au nom du donataire en cas de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation des titres dans un délai de dix-huit mois à compter de la donation (sauf cas de licenciement, d’invalidité ou de décès du donataire ou de son conjoint ou partenaire de Pacs soumis à une imposition commune).

La plus-value en report est également imposée au nom de ce même donataire lorsque la société bénéficiaire de l’apport cède les titres apportés dans les trois ans à compter de l’apport sans procéder à un réinvestissement économique du produit de la cession dans les conditions visées ci dessus.

Abus de droit;Apport/cession;Location en meublé;Réinvestissement;Société opérationnelle -