Analyse de la jurisprudence récente par STEPHANE PILLEYRE

 

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Duflot, LMNP Bouvard, Malraux, Girardin, Monuments historiques…, les possibilités de défiscalisation immobilières sont nombreuses… Elles sont permettent a priori, de répondre aux attentes des investisseurs selon le niveau de défiscalisation qu’ils souhaitent atteindre.

Si ces dispositifs sont connus de la plupart des professionnels de la gestion de patrimoine, ils se doivent d’être maîtrisés parfaitement. L’ analyse approfondie des commentaires de l’Administration publiés (ou repris) au BOFiP est à ce titre indispensable.

L’objet de cette newsletter n’est pas d’aborder en détail chaque régime de défiscalisation. Il s’agit de faire un point d’étape sur la jurisprudence récente ayant trait aux conflits susceptibles d’opposer  l’investisseur avec son conseiller, sa banque, son notaire, son expert-comptable ou son agent immobilier…

Cette jurisprudence nous amène à rappeler à nos lecteurs, combien il est nécessaire d’être prudents dans la commercialisation de produits immobiliers de défiscalisation. Le professionnalisme est de rigueur afin d’apporter toute l’information et le conseil que l’investisseur est en droit d’obtenir.

Les professionnels devront en outre veiller à matérialiser et à conserver les preuves du respect de cette obligation légale.

Le CGP est tenu à une obligation de conseil tant dans le cadre de son activité de CIF que dans celle de CGP.

Cour d’appel de Montpellier du 17 octobre 2013

La Cour d’appel de Montpellier, le 17 octobre dernier, s’est prononcée sur la responsabilité d’un conseil en investissements financiers dans le cadre d’une opération de défiscalisation «Monuments historiques». La cour relève d’abord qu’il importe peu que le conseil en gestion de patrimoine (CGP) ait agi dans le cadre de ses activités de conseil en investissements financiers ou dans celui de conseil en gestion de patrimoine, dès lors que dans les deux cas, le CGP est tenu en tant que professionnel à une obligation de conseil envers son client et ce quel que soit le niveau de compétence du client (ce dernier est avocat d’affaire dans un important cabinet  parisien).

De plus, les juges soulignent que le CGP devait attirer l’attention de son client sur les difficultés et les risques inhérents à l’achat de l’appartement dans un monument historique qui devait faire l’objet d’une réhabilitation lourde et complexe, alors que le permis de construire n’avait pas encore été obtenu. En l’espèce, la cour relève que le CGP n’a pas manqué à son obligation de conseil.

La banque est tenue à un devoir d’information et de conseil au titre de l’investissement locatif, et à un devoir de mise en garde au titre de l’octroi du prêt

Cour de cassation, chambre civile 1, 11 septembre 2013, n°12-15897

Un couple a souscrit un prêt auprès de sa banque afin de financer une opération de défiscalisation. Cette dernière a fait l’objet d’une étude personnalisée, élaborée par la société commercialisant le projet immobilier. Le couple, s’estimant victime d’un préjudice consécutif au montage financier, a assigné la banque et la société de conseil en investissement immobilier et gestion de patrimoine.

La banque a été condamnée en appel à payer au couple une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

La Cour de cassation relève que la banque avait :

  • proposé et personnalisé l’investissement locatif litigieux dont la nature était manifestement inadaptée à la situation du couple ;
  • assorti son offre de prêt de longue durée d’un taux variable accentuant les risques d’une opération périlleuse.

La haute Cour estime que la cour d’appel a exactement déduit que la banque avait manqué tant à son devoir d’information et de conseil au titre de l’investissement locatif, qu’à son devoir de mise en garde au titre de l’octroi du prêt.

Le notaire doit pouvoir apporter la preuve de l’exécution de son devoir de conseil sur la « surcharge financière » de l’emprunteur.

Cour de cassation, chambre civile 1, 2 octobre 2013, n° 12-20452

La Cour de cassation rappelle à un notaire, que la preuve de l’exécution de son devoir de conseil lui incombe. Il est estimé qu’indépendamment de l’information fournie par la banque, il aurait dû attirer l’attention de l’emprunteur sur la surcharge financière susceptible de résulter de l’application d’un taux d’intérêt intercalaire en l’absence de déblocage de l’intégralité du montant du prêt et du maintien d’un taux d’intérêt variable auquel il pouvait être renoncé à l’issue de la période d’anticipation par l’option d’un taux d’intérêt fixe.

(Il est à noter que l’emprunteur avait été conseillé dans cette opération par un conseil en gestion de patrimoine, qui n’est d’ailleurs pas partie à la procédure)

Un agent immobilier mis en cause du fait d’une plaquette commerciale annonçant des loyers nets de charges garantis par un bail minimum de 9 ans quel que soit le taux d’occupation de la résidence

Cour de cassation, Chambre civile 1, 2 octobre 2013, n°12-20504

Un couple réalise un investissement dans une résidence touristique à construire dans une zone de revitalisation rurale (ZRR).

La documentation commerciale distribuée par l’agence immobilière, spécialisée en immobilier de placement, annonçait la perception de loyers :

  • « nets de charges »,
  • « garantis par un bail minimum de neuf ans, quel que soit le taux d’occupation de la résidence »

Le bien a été donné immédiatement à bail commercial, pour une durée de dix ans, à une société d’exploitation chargée de sous-louer ce bien en location saisonnière meublée. Le preneur commercial a été placé en liquidation judiciaire. Le bail a alors été repris par un autre exploitant à des conditions moins avantageuses.

Le couple reproche à l’agence immobilière de ne pas les avoir éclairés sur les aléas de leur investissement et l’assigne en dommages-intérêts pour manquement à son obligation d’information et de conseil.

La Cour de cassation confirme qu’un agent immobilier qui s’entremet habituellement dans des opérations immobilières de placement se doit d’informer et de conseiller l’acquéreur éventuel sur les caractéristiques de l’investissement qu’il lui propose et sur les choix à effectuer.

Les termes employés dans la plaquette publicitaire distribuée par l’agence, annonçant la perception de loyers « nets de charge », « garantis par un bail minimum de neuf ans, quel que soit le taux d’occupation de la résidence », étaient de nature à convaincre le couple, investisseur non averti, que ce type de montage présentait des caractéristiques de sécurité et de rentabilité certaine.

Ainsi, l’agence, qui avait été leur seul interlocuteur dans cette opération, avait manqué à son obligation d’information et de conseil en s’abstenant de les alerter sur les risques de non-perception des loyers auxquels ils se trouveraient exposés en cas de déconfiture du preneur à bail commercial, risques dont les stipulations du bail ne permettaient pas de mesurer l’impact sur la fiabilité annoncée du placement.

De la difficile annulation d’un investissement immobilier au motif du dol …

Cour d’appel de Toulouse, Ch. 1, sect. 1, 9 sept. 2013, RG 12/01755

L’investisseur saisit la justice pour obtenir l’annulation de la vente principalement pour dol et subsidiairement pour erreur, mais également pour obtenir le versement de dommages et intérêts (97 435 €).

Pour cela, le plaignant se base sur la plaquette publicitaire vantant les avantages de l’investissement et présentant une simulation aboutissant à une rentabilité par le cumul des revenus, de la défiscalisation et de la réévaluation du bien qui aurait occulté tous les risques de l’opération proposée. L’acquéreur se prévaut des dispositions de l’art. L. 111-1 du Code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 26 juill. 1993[1]

Le Tribunal de grande instance déboute le demandeur, la Cour d’appel de Toulouse confirme.

L’arrêt confirme que ni la production d’un manuel de vente pour agent commercial ni le prix de vente prétendument surévalué ne permettent de caractériser un dol, alors que l’opération de défiscalisation a permis à l’investisseur de déduire chaque année entre 2006 et 2010 un déficit foncier qui l’a rendu non imposable.

L’expert-comptable sanctionné pour ne pas avoir contrôlé le bien-fondé des charges déduites dans des opérations de LMP

Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 8, 2 juillet 2013 n°12/10226

Un couple réalise, via des sociétés, en 2000 et 2002 des investissements dans des résidences hôtelières dans le cadre du régime fiscal de la location meublée professionnelle.

Ces investissements de défiscalisation leur ont été proposés sous forme d’un package incluant :

  • la simulation financière,
  • la constitution de sociétés transparentes,
  • l’obtention du financement,
  • la rédaction des actes de vente par des notaires partenaires,
  • l’exploitation des résidences hôtelières par des sociétés intermédiaires
  • et le suivi comptable et fiscal par un cabinet d’expertise comptable.

Les époux font l’objet d’un contrôle fiscal qui aboutit à la notification d’un redressement de 32 712 €.

Il s’avère que l’expert-comptable avait la charge de réaliser les déclarations fiscales des sociétés. Dans ce cadre, il a déduit des charges du bénéfice imposable des sociétés dont il n’avait pas vérifié la justification. De plus, lors du contrôle fiscal, l’expert-comptable a fourni des factures qui n’ont pas permis de convaincre l’administration de la réalité des écritures comptables enregistrées.

La Cour d’appel de Paris considère que le redressement résulte de la négligence de l’expert-comptable qui a notamment présenté, lors du contrôle fiscal, des factures non corrélées aux charges déduites.

L’expert a alors été condamné au versement de dommages et intérêts à hauteur de 32 712 €.

 

 

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[1] Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

 

 

 

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