INTERVIEW DE REMY GENTILHOMME

NOTAIRE

PROFESSEUR ASSOCIE A L’UNIVERSITE

 

 

POUR ACCEDER A LA VERSION PDF, MERCI DE CLIQUER ICI

 

JACQUES DUHEM (JD)     Bonjour Rémy. Pour notre formation du 8 octobre prochain, tu as choisi de traiter de transmission entre vifs des titres sociaux. Peux-tu nous expliquer ce choix ?

 

REMY GENTILHOMME (RG      Les droits sociaux constituent une catégorie particulière de biens dont les caractéristiques influent directement sur leur transmission à titre gratuit. Il est donc intéressant de montrer la spécificité des transmissions à titre gratuit de droits sociaux.

 

JD           De nombreuses transmissions s’effectuent avec une réserve d’usufruit en faveur du donateur. La gestion de ces situations s’avère souvent complexe au plan juridique et au plan social. Quelles sont les principales difficultés rencontrées en pratique ? La jurisprudence sur ce sujet est-elle volumineuse ?

 

RG        La jurisprudence a eu l’occasion de traiter les problématiques de répartition des prérogatives décisionnelles et pécuniaires entre usufruitier et nu-propriétaire de droits sociaux. Avec toujours un arrière plan fiscal représenté par la constatation éventuelle de donations indirectes.

 

On citera par exemple une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation (18 décembre 2012 – n° 11 27745). Il s’agissait d’une affaire dans laquelle le fisc avait vu au travers d’une répartition inégale des bénéfices distribués une libéralité.

La mise en réserve systématique d’un résultat est-elle révélatrice d’une libéralité au profit du nu-propriétaire ? Sur cette question, la Haute juridiction a également eu l’occasion de se prononcer récemment (Cass. Civ, 5 décembre 2013 – n° 11 24758)

 

Ces décisions pleines de nuances doivent être analysées avec précision et précaution.

 

JD           La donation est parfois (souvent ?) réalisée pour purger une plus-value. Sur cette question, ou en est-on après la censure du Conseil constitutionnel portant sur la dernière LFR pour 2012 ? J’ai bien envie de te reposer une vieille question : peut-on abuser du droit de donner ?

 

RG        On n’abuse jamais du droit de donner ! Mais, au contraire, on doit pouvoir en user en toute liberté. Le dernier état de la jurisprudence du Conseil d’Etat sur cette question montre que lorsque la donation n’est pas fictive, elle ne peut jamais poursuivre un but exclusivement fiscal.

La jurisprudence sur le sujet reste cependant dense ; a titre d’exemple :

 

CE 27 Juillet 2012, Berjot
Le Conseil d’Etat a déjà jugé qu’une opération de donation-cession de titres n’est pas constitutive d’un abus de droit en l’absence de fictivité de la donation.Ici la cour s’en remet, sauf dénaturation, au pouvoir souverain des juges du fond pour apprécier l’intention libérale du donateur. Selon la cour administrative d’appel de Bordeaux, le caractère fictif de la donation avec réserve d’usufruit résultait de l’appréhension du produit de la cession par les donateurs, les donataires n’ayant pas reçu la quote-part du produit correspondant à leurs droits attachés à la nue-propriété des titres.
CAA PARIS, 29 avril 2011, Chatillon

Le contribuable, en consentant à ses enfants une donation de la nue-propriété de titres assortie de la condition suspensive de leur vente avant un certain délai, n’avait pas l’intention de donner cette nue-propriété à des fins de transmission et de conservation dans le patrimoine de ses enfants, sans que soit remise en cause la réalité de l’acte de donation. Il a eu pour seul motif d’éviter que la plus-value résultant de la cession des actions soit soumise à l’impôt sur le revenu sur le fondement de l’article 92 J du CGI. La donation litigieuse a porté non sur les titres mais sur le produit de leur cession. La plus-value de cession de titres était, par suite, imposable entre les mains du donateur sur le fondement de l’article L 64 du LPF.
Considérant que, par acte du 30 mars 1998, Mme Chatillon a donné à ses enfants la nue-propriété de 1 416 actions de la société Groupe Le Blanc de Nicolay (GLN) ; que cette donation a été soumise à la condition suspensive de la vente de ces actions avant le 31 janvier 1999 à la société AON, à peine de caducité ; que ladite condition ayant été réalisée le 15 mai 1998, la donation est devenue définitive le 15 juin suivant ; que l’administration a estimé que la donation susmentionnée dissimulait la cession par Mme Chatillon des titres dont la nue-propriété avait été donnée et que la plus-value sur ces titres avait été minorée au travers d’un montage à but exclusivement fiscal consistant à faire acquitter par leurs enfants la plus-value sur les titres cédés en retenant comme prix d’acquisition des actions la valeur vénale des titres retenue pour le calcul des droits d’enregistrement lors de la mutation à titre gratuit ; que le service a, en conséquence, sur le fondement des dispositions de l’article L 64 du LPF, écarté cette donation et soumis à l’impôt sur les plus-values visé à l’article 92 J du CGI la cession des titres par Mme Chatillon au groupe AON ; que M. et Mme Chatillon relèvent appel du jugement du 12 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et des contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes en résultant ;
Considérant que l’administration fait valoir, sans être contestée, que dès le mois de février 1998, le Groupe Leblanc de Nicolay avait l’intention de céder ses actions au groupe AON ; que Mme Chatillon ne pouvait donc ignorer, au moment où elle a consenti, le 30 mars 1998, la donation à ses enfants de la nue-propriété de 1 416 actions qu’elle détenait au sein de la société GLN, le projet de cession des actions en cause, lequel s’est concrétisé par une promesse de cession le 3 avril 1998, soit 4 jours seulement après l’acte de donation litigieux ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, la donation, affectée de la condition suspensive de la vente de ces actions avant le 31 janvier 1999 à la société AON, à peine de caducité, rendait, jusqu’à sa réalisation, les droits des donataires incertains et précaires dès lors que, préalablement à la levée de cette condition, le donateur avait conservé ses droits de nu-propriétaire des titres dans l’hypothèse où la cession de la nue-propriété de ces titres ne serait pas intervenue dans les conditions qu’elle avait fixées ; que, la donation a pris effet à la réalisation de la condition suspensive, soit le 15 mai 1998 ; qu’ainsi, les donataires ne pouvaient exercer leurs prérogatives qu’après cette date ; que si les requérants soutiennent que par lettre du 15 mai 1998, la société AON a indiqué renoncer aux conditions suspensives, il résulte de l’instruction que cette renonciation n’est que partielle et porte sur l’acquisition préalable de toutes les autorisations administratives nécessaires et la remise des rapports des commissaires aux comptes et que cette lettre fixe le rendez- vous pour la réalisation de la cession au même jour, le 15 mai 1998 ; que, dans ces conditions, cette circonstance ne permet pas de considérer que les donataires ont exercé pleinement leurs prérogatives résultant de la donation ;
Considérant que l’administration, qui ne remet pas en cause la réalité de l’acte de donation, établit que Mme Chatillon, en consentant cette donation assortie de la clause suspensive susmentionnée dans l’hypothèse où la vente des titres n’aurait pu avoir lieu, n’avait pas l’intention de donner la nue-propriété des 1 416 actions à des fins de transmission et de conservation dans le patrimoine de ses enfants, mais a eu pour seul motif d’éviter que la plus-value résultant de la cession des actions soit soumise à l’impôt sur le revenu sur le fondement de l’article 92 J du CGI ; que, dès lors, c’est à bon droit que l’administration a considéré que la donation litigieuse avait porté, non sur les titres de la société GLN, mais sur le produit de leur cession et a, en conséquence, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L 64 du LPF, écarté cette donation et taxé la plus-value de cession de la nue-propriété des titres dans les conditions sus-décrites entre les mains du donateur ;

 

CE 30 Décembre 2011, Motte Sauvaige
Le Conseil d’Etat réaffirme ici qu’à défaut de fictivité, la donation, ne peut être constitutive d’une abus de droit.

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme Sauvaige a échangé, le 23 juin 1997, 161 titres de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys contre des titres de la société Label, créée à cette même date en vue de regrouper les participations détenues par les diverses branches d’une même famille, et s’élevant à la moitié du capital de cette entreprise dirigée par des membres de cette famille, l’autre moitié de ce capital étant détenue par un seul actionnaire non lié au groupe familial ; qu’elle a déclaré avoir réalisé à cette occasion une plus-value dont elle a demandé le report d’imposition sur le fondement des dispositions alors en vigueur du II de l’articles 92 B et du I ter de l’article 160 du CGI ; que par acte du 29 avril 2003, enregistré le 27 mai 2003 à la recette des impôts de Roubaix, M. et Mme Motte-Sauvaige ont fait donation de la pleine propriété de 110 de ces actions de la société Label à parts égales à leurs cinq enfants, dont deux étaient mineurs et les trois autres rattachés à leur foyer fiscal ; que le 5 juin 2003, les donataires ont revendu ces titres, au prix unitaire correspondant à celui retenu dans l’acte de donation, à la société civile Java, laquelle avait été créée en 1996 entre Mme Sauvaige et son père et avait pour gérante Mme Sauvaige qui détenait en pleine ou en nue-propriété 99,5 % des parts sociales ; que celle-ci a également vendu à la même date à la société Java les titres de la société Label qu’elle avait conservés en propre et a acquitté l’impôt correspondant à la plus-value qui avait été placée en report d’imposition ; qu’à la suite du contrôle dont les contribuables ont fait l’objet au titre de l’impôt sur le revenu portant sur l’année 2003, l’administration a relevé dans sa proposition de rectification du 10 mars 2005 que, compte tenu de la donation des 110 titres, la plus-value dégagée lors de l’apport des titres de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys à la société Label et placée en report d’imposition était, dans cette mesure, annulée mais elle a remis en cause la sincérité de l’acte de donation et a mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l’article L 64 du LPF ; que M. et Mme Motte-Sauvaige se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 16 juin 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, faisant droit à l’appel du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a annulé le jugement du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2007 prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2003, auxquelles ils ont été assujettis à l’issue de ce contrôle, et a remis à leur charge ces impositions ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes du 4 du I ter de l’article 160 du CGI, alors en vigueur : « L’imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d’échange de droits sociaux résultant d’une opération de fusion, scission ou d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l’article 92 B » ; qu’aux termes du II de l’article 92 B du même Code, alors en vigueur : « 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l’impôt sur les sociétés, l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de titres résultant d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, d’absorption d’un fonds commun de placement par une société d’investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s’opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres reçus lors de l’échange » ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L 64 du LPF, dans sa rédaction alors applicable : « Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses : (…) b) (…) qui déguisent soit une réalisation soit un transfert de bénéfices ou de revenus (…) L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité (…) Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; que l’administration peut faire usage des pouvoirs qu’elle tient de ces dispositions lorsqu’elle entend remettre en cause les conséquences fiscales d’une opération se traduisant par le report d’imposition d’une plus-value déclarée dans les conditions prévues au II de l’article 92 B du CGI ;

Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article 894 du Code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’aux termes de l’article 900-1 du même Code : « Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime » ; que la circonstance qu’un acte de disposition soit assorti d’une clause d’inaliénabilité la vie durant du donateur ne lui ôte pas son caractère de donation au sens de ces articles du Code civil ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’acte de donation prévoyait qu’à compter de sa signature, chacun des donataires serait propriétaire des biens et en aurait la jouissance immédiate tout en interdisant aux donataires de céder, nantir ou disposer d’une façon quelconque des actions pendant la vie des donateurs ou du survivant d’eux, à peine de nullité de l’acte de disposition à titre gratuit, seule la mutation à titre gratuit par les donataires à leurs descendants en ligne directe étant autorisée ; que cet acte stipulait que les donataires se voyaient également imposer à la première demande des donateurs d’apporter les actions à toute société civile familiale constituée entre les donateurs et leurs enfants, dont ils ne pouvaient demander la dissolution qu’un an après le décès des donateurs ; qu’il prévoyait enfin qu’en cas de vente des titres autorisée par les donateurs, le produit de la vente serait laissé en dépôt dans une banque ou tout établissement financier choisis par les donateurs jusqu’à ce que les donataires aient atteint l’âge de 25 ans, étant entendu qu’aucun retrait en capital ne pourrait être effectué sans l’accord des donateurs jusqu’au décès de ces derniers, les donataires pouvant seulement disposer librement des revenus, coupons ou intérêts à compter de leurs 25 ans ; que la cour a analysé l’ensemble de ces stipulations et a jugé qu’il n’était pas établi que les époux Motte-Sauvaige se seraient effectivement dessaisis des titres ayant fait l’objet de la donation, et, par suite, a remis en cause l’intention libérale de l’acte de donation ; qu’elle a aussi relevé que les requérants n’apportaient, par ailleurs, aucun élément d’explication quant à la rapidité avec laquelle était intervenue la revente à la société Java des actions par leurs enfants, dès le 5 juin 2003, soit cinq semaines après la signature de l’acte de donation et dix jours après son enregistrement à la recette des impôts le 27 mai 2003 ;

Considérant, d’une part et ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que la circonstance qu’un acte de disposition soit assorti d’une clause d’inaliénabilité la vie durant du donateur ne lui ôte pas son caractère de donation au sens des articles 894 et 900, 1 du Code civil ; que, d’autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les donateurs ne se sont pas réappropriés les sommes issues de la vente par les donataires des actions à la société Java, ces sommes ayant été effectivement versées dans leur intégralité sur les comptes bancaires ouverts au nom de chacun des enfants, sans que la clause de remploi les obligeant à verser ces sommes sur des comptes bancaires bloqués en capital jusqu’au décès des donateurs affecte le droit de propriété des donataires sur ces dernières ; qu’enfin aucune des autres clauses de l’acte de donation mentionnées par la cour, autorisées en leur principe par le Code civil et justifiées par l’intérêt légitime qui s’attachait à la volonté des requérants d’organiser leur succession au profit de leurs enfants encore jeunes tout en préservant l’unité et la pérennité du patrimoine familial, n’était de nature à remettre en cause le constat d’un dépouillement immédiat et irrévocable des donateurs dès la signature de cet acte ; qu’en particulier, la clause faisant obligation aux donataires à la première demande des donateurs d’apporter les actions à toute société civile familiale constituée entre les donateurs et leurs enfants, n’avait pas pour effet de remettre en cause ce constat dans le mesure où elle était en l’espèce justifiée par la volonté des donateurs de préserver la participation de la famille dans la société Cartonnerie de la Lys Ondulys et d’éviter la cession des titres à des tiers, notamment à l’autre actionnaire de cette société, vente qui aurait engendré une perte de contrôle par la famille ; qu’ainsi et alors que la rapidité avec laquelle est intervenue la revente à la société Java des actions par les donataires est sans incidence par elle-même quant au caractère de cette donation, la cour a inexactement qualifié les faits en jugeant que l’administration devait être regardée comme apportant la preuve de ce que la donation-partage suivie de la cession des titres par les enfants à une société civile familiale était constitutive d’un abus de droit et en déduisant des éléments qu’elle a relevés que les requérants ne s’étaient pas effectivement dessaisis des titres ayant fait l’objet de la donation et que, par suite, ils n’avaient pas agi dans une intention libérale ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Motte-Sauvaige sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L 821-2 du Code de justice administrative ;

Considérant que le ministre indique dans son recours que la procédure de répression des abus de droit a été mise en oeuvre dès lors que la plus-value, qui avait été réalisée par Mme Motte-Sauvaige lors de l’échange des titres de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys contre des titres de la société Label et avait été placée en report d’imposition, avait ainsi été purgée par cette donation-partage des titres de la société Label ; qu’il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que l’administration n’établit pas que l’acte de donation aurait présenté un caractère fictif ; que, dès lors, sans qu’il soit besoin de rechercher si l’opération de donation suivie de la cession des titres présentait dans son ensemble un but exclusivement fiscal, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique n’apporte pas la preuve que M. et Mme Motte-Sauvaige auraient commis un abus de droit ;

Considérant, toutefois, que le ministre, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d’une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée par elle, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable de garanties, soutient que, contrairement à son objet, la donation n’a pas porté sur les titres de la société Label mais sur des liquidités, dès lors que Mme Motte-Sauvaige a conservé le contrôle des titres qui ont été réintégrés dans son patrimoine eu égard aux droits et pouvoirs dont elle dispose sur la société civile Java à laquelle les titres ont été cédés par les donataires ; que cependant, dès lors que la donation des titres de la société Label aux enfants des requérants ne revêtait pas de caractère fictif et qu’elle a ainsi opéré un transfert des titres du patrimoine des donateurs à celui de leurs enfants, avant la cession par ces derniers des titres dont ils étaient devenus propriétaires à la société civile Java, il ne peut être soutenu que la donation n’a pas porté sur les titres de la société Label ; qu’il suit de là que le nouveau fondement légal que l’administration entend donner à l’imposition contestée ne pouvant être retenu, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme Motte-Sauvaige ont été assujettis au titre de l’année 2003 ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 500 € à verser à M. et Mme Motte-Sauvaige au titre des dispositions de l’article L 761-1 du Code de justice administrative ;

Décide :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel du Douai du 16 juin 2009 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique présenté devant la cour administrative d’appel est rejeté.
Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme Motte-Sauvaige la somme de 4 500 € au titre des dispositions de l’article L 761-1 du Code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Arnaud Motte-Sauvaige et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement.

 

CAA Lyon 7 juillet 2011 n° 09LY02997, 2e ch., Vincent

CAA Lyon 7 juillet 2011 n° 09LY02748, 2e ch., Champaney

La donation-partage de la nue-propriété d’actions par un père à ses deux enfants suivie de la vente de ces titres puis du réinvestissement du produit de la cession dans une société civile constituée par eux trois n’est pas constitutive d’un abus de droit dès lors que :
–  si l’acte de donation-partage laisse au seul usufruitier-donateur le choix des biens susceptibles de se substituer aux droits donnés, en cas de vente desdits droits, cet acte faisant en outre interdiction aux donataires de réclamer la valeur de la nue-propriété des droits cédés, ces clauses, qui garantissent le droit de retour du donateur et lui laissent la gestion des droits sociaux dont il a cédé la nue-propriété, ne sauraient, à elles seules, suffire à faire regarder la donation intervenue comme purement fictive en l’absence de réappropriation par le donateur des sommes équivalentes à la valeur de la nue-propriété donnée ;
–  si la donation-partage consentie dans les jours qui ont précédé la cession de ses actions a permis au donateur d’éviter l’imposition de la plus-value relative à la nue-propriété de ces titres, elle lui a également permis de transmettre une partie de son patrimoine à ses enfants et ne saurait par suite être regardée comme ayant eu un but exclusivement fiscal.

 

 

JD           Les titres sociaux sont parfois transmis par voie de dons manuels. Que penses-tu de ce mode opératoire ?

 

RG        Ce mode de transmission pose une difficulté particulière lorsqu’on prétend y attacher les effets d’une donation-partage. Contrairement à ce que l’on peut lire, le risque de nullité est très éloigné de zéro et devrait donc inciter les praticiens à avoir recours à un spécialiste.

 

JD           Merci beaucoup, Rémy pour cet éclairage. Nous aurons donc le plaisir de te retrouver le 8 octobre 2013 à Paris, pour notre journée de formation

Le Code civil au service de l’ingénierie patrimoniale…

Tu pourras développer les thèmes évoqués ci-dessus. Tu pourras à cette occasion, signaler les principales difficultés d’application et faire un point sur la jurisprudence récente. PROGRAMME ET INSCRIPTIONS : Merci de cliquer ici

 

Libéralités;Donations avant cessions;Démembrement de propriété;Dons manuels;Transmissions entre vifs -