STEPHProjet de loi de finances :

Le quotient familial encore mis à mal…

L’analyse de Stéphane Pilleyre

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La loi de finances pour 2013 a modifié le montant du plafonnement des effets du quotient familial, réduisant l’avantage maximum issu d’une demi-part de 2 336 € à 2 000 €. Cette modification a fait l’objet de commentaires dans le BOFiP (cf. newsletter n°13105 du 14 juin 2013).

derniers, pour le moins sommaires, sont venus réexpliquer le mécanisme du plafonnement des effets du quotient sans en préciser les réels effets pour les contribuables. Profitons de l’occasion pour aborder le quotient familial et son plafonnement au travers de différentes questions.

La première conséquence du plafonnement des effets du quotient est évidente : il conduit à payer plus d’impôt que lorsque le mécanisme du quotient familial produit ses effets à plein.

Pour illustrer nos propos, reprenons simplement l’exemple du BOFiP :

« Un contribuable marié ayant quatre enfants à charge dont l’un est invalide (5,5 parts) a, pour 2012, un revenu imposable de 130 000 € :

– premier terme : calcul de l’impôt avec 5,5 parts. Le quotient familial est égal au revenu imposable divisé par le nombre de parts, soit 130 000 € / 5,5 = 23 636.36 €. L’impôt correspondant est selon la formule simplifiée égal à : (130 000 € × 0,14) – (1 339,13 € × 5,5), soit 10 835 €.

– deuxième terme : calcul de l’impôt avec 2 parts avec application du plafonnement. Le quotient familial est égal au revenu imposable divisé par le nombre de parts, soit 130 000 € / 2 = 65 000 €. L’impôt correspondant est selon la formule simplifiée égal à : (130 000 € × 0,30) – (5 566,33 € × 2), soit 27 867 €. On retranche l’avantage maximum en impôt procuré par les 7 demi-parts supplémentaires soumises au plafonnement (5,5 parts – 2 parts = 3,5 parts), dont l’une correspond à l’invalidité de l’un des enfants : (2 000 € × 6) + 2 997 €, soit 14 997 €.

L’impôt avec application du plafonnement est égal à : 27 867 € – 14 997 € = 12 870 €.

Le premier terme étant inférieur au second, le plafonnement est applicable. L’impôt dû à retenir correspond donc au deuxième terme, soit 12 870 €. (ndlr : au lieu de 10 835 €) »

Une première question se présente : le plafonnement des effets du quotient a-t-il d’autres conséquences que le fait de payer plus d’impôt que lorsque le quotient joue à plein ?

Oui ! Il y a une conséquence beaucoup plus perverse : le taux marginal d’imposition du contribuable augmente instantanément !

En effet, dès lors que le plafonnement du quotient joue, la méthode de calcul de l’impôt n’est plus la même. Il convient de calculer l’impôt sans tenir compte des demi-parts supplémentaires, donc diviser le RNGI par deux pour un couple soumis à imposition commune, à défaut par un.

Pour rappel, voici les seuils d’accès aux différentes tranches marginales d’imposition (en 2013 sur les revenus 2012) :

Fraction du revenu imposable (une part)

Taux (en %)

N’excédant pas 5 963 €

0

De 5 963 € à 11 896 €

5,5

De 11 896 € à 26 420 €

14

De 26 420 € à 71 830 €

30

De 70 830 € à 150 000 €

41

Supérieure à 150 000 €

45

Reprenons l’exemple du BOFiP :

Si le plafonnement ne joue pas, le revenu imposable est divisé par le nombre total de parts, soit 130 000 € / 5,5 = 23 636 €. Avec ce niveau de quotient familial, le taux marginal du foyer fiscal est de 14% (23 636 est bien compris entre 11 896 € et 26 420 €).

En revanche, lorsque le plafonnement joue, il ne faut plus tenir compte du nombre total de part, le quotient familial est alors de 130 000 € / 2 = 65 000 €. L’impôt qui résulte de ce quotient est ensuite diminué du plafond soit 14 997 €. Sur la base d’un quotient familial de 65 000 €, le taux marginal du foyer n’est plus de 14% mais de 30% !

Ainsi, si ces contribuables investissent une partie de leur patrimoine dans un bien générant des revenus (livrets, obligations, revenus fonciers), ces derniers seront imposés à 30% plus 15,5% de prélèvements sociaux. Le rendement brut est alors nettement amputé.

En résumé, le plafonnement des effets du quotient conduit à ne pas bénéficier à plein des demi-parts supplémentaires, mais également à une augmentation du taux marginal d’imposition (taux auquel est imposé chaque euro supplémentaire gagné). Le plafonnement des effets du quotient familial fait donc entrer plus rapidement dans une tranche marginale d’imposition plus élevée.

Une seconde question se pose alors : le plafonnement des effets du quotient joue-t-il pour tous les contribuables ?

La réponse est négative : le plafonnement ne joue que pour les contribuables dont le revenu net global imposable excède un certain niveau.

A titre d’exemple, pour un couple avec 2 enfants rattachés au foyer fiscal dont le RNGI est de 73 670 € :

– le nombre de parts pour le foyer se porte à 3 ;

– le quotient familial est égal à 24 557 € ;

– la formule de calcul rapide de l’impôt est la suivante : R x 0,14 – 1339,13 x nb parts ;

– l’application chiffrée nous amène à un impôt de 6 296 € (73 670 x 0,14 – 1339,13 x 3).

Si le couple n’avait pas les deux demi-parts supplémentaires, quel impôt aurait-il dû payer ?

– le nombre de parts pour le foyer serait de 2 ;

– le quotient familial serait de 36 835 € ;

– la formule de calcul rapide de l’impôt serait la suivante : R x 0,30 – 5566,33 x nb parts

– l’application chiffrée nous amènerait à un impôt de 10 968 € (73 670 x 0,30 – 5566,33 x 2).

L’avantage procuré par les deux demi-parts s’élève à 10 968 € – 6 296 € = 4 672 € soit 2 336 € par demi-part.

Nous avons ici trouvé le seuil de déclenchement du plafonnement des effets du quotient familial pour un couple avec deux enfants lorsque le plafond était de 2 336 €, plafond applicable aux revenus de 2011 imposés en 2012.

Tous les couples, avec 2 enfants rattachés, profitaient en 2011 à plein des effets du quotient familial si leur revenu imposable n’excédait pas 73 670 €. Au-delà, l’avantage était plafonné à 2 336 € par demi-part supplémentaire.

Au titre des revenus de l’année 2011 (imposés en 2012), le seuil de déclenchement du plafonnement des effets du quotient familial était le suivant :

Couple

+ 1 enf.

+ 2 enf.

+ 3 enf.

+ 4 enf.

Nb parts

2 + 0,5 = 2,5

2 + 1 = 3

2 + 2 = 4

2 + 3 = 5

Seuil plaf. QF

63 255 €

73 670 €

<94 501 €

115 331 €

TmI

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

Seule(1)

+ 1 enf.(2)

+ 2 enf.(2)

+ 3 enf.(2)

+ 4 enf.(2)

Nb parts

1 + 0,5 = 1,5

1 + 1 = 2

1+ 2 = 3

1 + 3 = 4

Seuil plaf. QF

36 835 €

47 250 €

68 081 €

81 545 €

TmI

4% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 41%

(1) ne bénéficiant pas du statut de parent isolé

(2) enfant à charge principale ou exclusive

On s’aperçoit dans ce tableau que le plafonnement peut même conduire à un changement de taux marginal d’imposition de 14% à 41% (sans palier intermédiaire à 30%). C’est le cas d’une personne seule avec 3 parts supplémentaires.

Une troisième interrogation se présente : l’abaissement du plafond de 2 336 € à 2 000 € conduit-il à un abaissement du seuil de déclenchement du plafonnement des effets du quotient familial ?

Malheureusement, la réponse est affirmative. En abaissant le plafond, on diminue le seuil de RNGI déclenchant le mécanisme du plafonnement. Sur la base d’un plafond de 2 000 €, nous arrivons aux résultats suivants :

Couple

+ 1 enf.

+ 2 enf.

+ 3 enf.

+ 4 enf.

Nb parts

2 + 0,5 = 2,5

2 + 1 = 3

2 + 2 = 4

2 + 3 = 5

Seuil 2011

63 255 €

73 670 €

<94 501 €

115 331 €

Seuil 2012

61 155 €

69 470 €

86 101 €

102 731 €

TmI

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

Seule(1)

+ 1 enf.(2)

+ 2 enf.(2)

+ 3 enf.(2)

+ 4 enf.(2)

Nb parts

1 + 0,5 = 1,5

1 + 1 = 2

1 + 2 = 3

1 + 3 = 4

Seuil 2011

36 835 €

47 250 €

68 081 €

81 545 €

Seuil 2012

34 735 €

43 050 €

59 681 €

74 078 €

TmI

4% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 41%

(1) ne bénéficiant pas du statut de parent isolé

(2) enfant à charge principale ou exclusive

En d’autres termes, un couple avec 2 enfants sera taxé à 30% à compter de 69 470 € sur les revenus 2012 au lieu de 73 670 € en 2011.

Quatrième question : l’abaissement du plafond de 2 336 € à 2 000 € a-t-il un impact sur le seuil de déclenchement du plafonnement ?

Non, il y a un deuxième effet plus évident : c’est une augmentation de l’impôt dû, à revenus constants. Si le contribuable était déjà soumis au plafonnement en 2011, à revenu constant, il paiera 336 € d’impôt en plus pour chaque demi-part supplémentaire, soit :

– 336 € pour un enfant (un demi-part)

– 672 € pour deux enfants (deux demi-parts)

– 1344 € pour trois enfants (deux demi-parts + une part)

Par exemple, un couple avec 2 enfants dont le RNGI était de 73 670 € en 2011 a acquitté 6 296 € en 2012. A revenu constant en 2012 (73 670 €), il paiera 6 968 € en 2013 soit 672 € supplémentaires alors qu’il n’a pas gagné un euro de plus sur 2 ans.

Cinquième question : Le gouvernement nous a présenté récemment in nouveau projet. Ce dernier prévoit d’abaisser à nouveau le plafonnement des effets du quotient familial dans le cadre de la loi de finances pour 2014. Les conséquences seront-elles identiques ?

Les effets de ce nouvel abaissement seront identiques mais dans des proportions plus importantes !

Nous l’avons vu, la loi de finances pour 2013 a modifié le montant du plafond général portant l’avantage maximal issu d’une demi-part supplémentaire de 2 336 € à 2 000 €. Dans le cadre du budget 2014, donc de la loi de finances pour 2014, il a été annoncé une nouvelle baisse de ce plafond pour le réduire à 1 500 €.

Ainsi, si le contribuable était déjà soumis au plafonnement en 2012, à revenus constants, il paiera 500 € d’impôt en plus pour chaque demi-part supplémentaire, soit :

– 500 € pour un enfant (un demi-part)

– 1 000 € pour deux enfants (deux demi-parts)

– 2 000 € pour trois enfants (deux demi-parts + une part)

A cette majoration, il faut rajouter l’augmentation d’impôt issue du premier abaissement de plafond de la loi de finances pour 2013, soit un cumul sur deux ans, à revenus constants, de :

– 836 € pour un enfant (un demi-part)

– 1 672 € pour deux enfants (deux demi-parts)

– 3 344 € pour trois enfants (deux demi-parts + une part)

Au-delà de cette augmentation automatique de l’impôt dû (à revenus constants), le second effet sera un abaissement du seuil de déclenchement du plafonnement, faisant entrer plus rapidement les contribuables dans une tranche marginale d’imposition supérieure. En voici l’illustration :

Couple

+ 1 enf.

+ 2 enf.

+ 3 enf.

+ 4 enf.

Nb parts

2 + 0,5 = 2,5

2 + 1 = 3

2 + 2 = 4

2 + 3 = 5

Seuil 2011

63 255 €

73 670 €

<94 501 €

115 331 €

Seuil 2012

61 155 €

69 470 €

86 101 €

102 731 €

Seuil 2013

58 030 €

63 220 €

73 601 €

83 981 €

TmI

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

Seule(1)

+ 1 enf.(2)

+ 2 enf.(2)

+ 3 enf.(2)

+ 4 enf.(2)

Nb parts

1 + 0,5 = 1,5

1 + 1 = 2

1 + 2 = 3

1 + 3 = 4

Seuil 2011

36 835 €

47 250 €

68 081 €

81 545 €

Seuil 2012

34 735 €

43 050 €

59 681 €

74 078 €

Seuil 2013

31 610 €

36 800 €

47 181 €

57 561 €

TmI

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

14% -> 30%

(1) ne bénéficiant pas du statut de parent isolé

(2) enfant à charge principale ou exclusive

Espérons que cet abaissement du plafond à 1 500 € ne soit pas un peu plus diminué en raison de la situation critique du déficit budgétaire de la France !

Sixième et dernière question : quelles mesures prendre pour les clients des CGP ?

La loi de finances pour 2013 a introduit une imposition de tous les revenus au barème progressif, y compris les plus-values sur valeurs mobilières. L’impact du taux marginal d’imposition devient donc de plus en plus évident (pour ne pas dire contraignant).

L’abaissement du plafonnement des effets du quotient familial conduit à entrer plus rapidement dans la tranche à 30% (voire 41% dans certains cas). Les revenus du patrimoine seront donc de plus en plus fiscalisés tant à l’impôt sur le revenu qu’aux prélèvements sociaux. Ce frottement fiscal va amputer de manière importante les revenus patrimoniaux, y compris les plus élevés, en voici un exemple :

Rdt brut / TmI(1)

14%

30%

41%

45%

3%

2,12%

1,64%

1,31%

1,19%

4%

2,82%

2,18%

1,74%

1,58%

5%

3,53%

2,73%

2,18%

1,98%

6%

4,23%

3,27%

2,61%

2,37%

(1)Prélèvements sociaux à 15,5% et CSG déductible non prise en compte

Les stratégies patrimoniales vont probablement s’orienter vers des produits de capitalisation (assurance vie, contrat de capitalisation, PEA, société à l’IS, etc.) ou vers des produits ne générant aucun revenu imposable (investissement en nue-propriété par exemple).

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