article_cassa[1]Interview de JEAN PASCAL RICHAUD

A propos de Cass 1ère civ., 6 mars 2013 n°11-26728

(Texte de la décision in fine)

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Jacques DUHEM (J.D.) : Jean Pascal, je suis ravi de t’accueillir pour la première fois dans cette newsletter. Une année riche en droit patrimonial en 2012 (Voir NL 13 83 du 18 mars 2013), et un début d’année 2013 non moins riche me semble-t-il, avec notamment un arrêt qui a retenu plus particulièrement ton attention dans le domaine de l’administration légale. Peux-tu nous en dire plus…

Jean-Pascal RICHAUD (J.P.R.) : Oui, avec plaisir, car c’est une décision qui intéressera particulièrement les conseillers patrimoniaux et leurs clients puisque la jurisprudence était taisante sur cette question précise depuis 1933, alors que la demande est forte !

J.D. : Quelle est la problématique ?

J.P.R. Il n’est pas rare qu’à l’occasion d’une séparation, (divorce, rupture entre personnes non mariées), le conseiller patrimonial soit questionné sur le fait de savoir s’il est possible de soustraire le ou les biens donnés ou légués à l’enfant commun, mineur, de l’administration de l’ « ex-conjoint », sur le fondement de l’article 389-3 du Code civil.

J.D. : Cela est-il faisable ?

J.P.R. : Oui, car prévu expressément par l’article 389-3 du Code civil. Pour cela il suffit ! de prévoir, au terme d’un acte de donation ou d’un testament,  la soustraction des biens donnés ou légués à l’enfant mineur de l’administration légale du parent survivant et de désigner corrélativement une ou plusieurs personnes pour gérer le ou lesdits biens, pendant la minorité de l’enfant. Cette mesure participant de la protection bien comprise du mineur.

J.D. : Mais alors, où résidait la difficulté patrimoniale ?

J.P. R : Tout simplement ! dans le fait de savoir s’il était possible de soustraire, de l’administration légale des père et mère, le ou les biens donnés ou légués, même si ces derniers composaient la réserve de l’enfant mineur. La jurisprudence antérieure, dans un domaine proche, celui de l’article 387 du Code civil, n’était pas en ce sens (Cass. Civ, 27 juin 1933). Mais la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 6 mars 2013, largement diffusé, a indiqué que l’article 389-3 du Code civil était « une disposition générale qui ne comporte aucune exception pour la réserve héréditaire ».

J.D. : Alors cette solution se veut rassurante pour le conseiller patrimonial qui préconisera ou a préconisé, antérieurement, ce type de solution patrimoniale ensuite d’une demande formulée en ce sens par un client ?

J.P.R. : Oui, car désormais, à l’appui de sa préconisation, il pourra utilement avancer l’arrêt du 6 mars 2013 susvisé.

J.D. : Tu as récemment mis en place un site internet, sur lequel tu commentes l’actualité juridique en matière patrimoniale. Tu as d’ailleurs publié sur ce dernier, un commentaire de cet arrêt.

J.P.R. : Oui, j’ai, effectivement, mis en ligne, sur mon site, un article traitant de cette question, que j’aborde régulièrement en formation depuis quelques années, en énonçant la difficulté qui existait jusqu’au 6 mars 2013 ! C’est pourquoi, je ne pouvais pas passer sous silence l’arrêt en question qui a fait, tu t’en doutes, l’objet de nombreux commentaires de la part de la doctrine…que nous aborderons en formation, bien évidemment, le tout sous un angle pragmatique.

J.D. : Peut-on accéder librement à ce site ?

J.P.R. : Oui, l’adresse est la suivante : http://www.jeanpascalrichaud.fr Il est également possible de s’inscrire pour recevoir automatiquement les newsletters.

J.D. : Merci Jean-Pascal pour cet éclairage, nous aurons le plaisir de te retrouver pour une série de formations patrimoniales intéressant le Droit patrimonial de la Famille.

J.P.R. : Oui, comme le programme des journées en question le précise, nous aborderons ensemble, diverses matières sous un angle à la fois théorique mais surtout pratique pour les conseillers patrimoniaux, gage de valeur ajoutée dans le cadre de leur activité professionnelle, en faisant un tour d’horizon assez complet.

Cette formation sera proposée à:

Clermont Ferrand le 29 août 2013 (dans le cadre de notre séminaire de rentrée des 29 et 30 août)

Paris le 3 septembre 2013

Lyon le 4 septembre 2013

Aix en Provence septembre/octobre 2013 (date à fixer)

Nice le 17 octobre 2013

 DETAILS ET INSCRIPTIONS  MERCI DE CLIQUER ICI

Annexe : Texte de la décision

 

Numéro d’arrêt : 11-26728


Texte :

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Agen, 30 septembre 2010), que Philippe X… est décédé le 20 septembre 2009, en laissant son épouse, Mme Y… avec laquelle il était en instance de divorce, et deux enfants, Delphine et Lydéric, et en l’état d’un testament olographe du 3 février 2004 et d’un testament authentique du 20 juillet 2009, instituant ses deux enfants légataires universels en pleine propriété et par parts égales, les actes prévoyant que Mme Y… serait privée de ses droits d’administration légale et de jouissance sur les biens revenant à Lydéric et énonçant que « Si mon fils Lydéric X… est encore mineur à mon décès, je charge ma sœur, Mme Fanny, Antoinette X… et à défaut, mon frère M. Bernard X… de veiller à l’application des présentes dispositions et de pourvoir à l’administration légale des biens revenant à mon fils jusqu’à sa majorité » ;

Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt de confirmer l’ordonnance du juge des tutelles désignant Mme X…, épouse Z…, en qualité d’administrateur légal des biens dépendant de la succession de Philippe X… échus à son fils mineur, alors, selon le moyen :

1°/ que les deux legs égaux institués par leur père au profit de ses deux enfants dans les testaments des 3 février 2004 et 20 juillet 2009 ne sont assortis ni l’un ni l’autre d’aucune condition, que le fait de charger sa sœur ou son frère de « pourvoir » à l’administration des biens de son fils mineur n’exprime clairement que son opposition à l’administration légale de sa femme, dont il était en instance de divorce, et non d’assortir le legs fait à cet enfant d’une quelconque condition et qu’ainsi la cour d’appel a violé les articles 389-3 et 1134 du code civil, en dénaturant les termes clairs et précis des testaments susvisés ;

2°/ qu’en toute hypothèse, les biens qui sont transmis au mineur par l’effet de la loi, notamment au titre de la réserve héréditaire, ne peuvent être soustraits à la gestion parentale et qu’ainsi la cour d’appel a violé les articles 389, 389-3 et 913 du code civil ;

Mais attendu que c’est par une recherche de la volonté du défunt qu’appelait la teneur de ses dispositions testamentaires que la cour d’appel a estimé que Philippe X… avait entendu léguer ses biens à son fils mineur à la condition qu’ils soient administrés par sa soeur et, à défaut, par son frère ;

Et attendu que l’article 389-3 du code civil, qui permet au disposant, sans aucune distinction, de soustraire à l’administration légale des père et mère les biens qu’il donne ou lègue à un mineur, est une disposition générale qui ne comporte aucune exception pour la réserve héréditaire ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne Mme Y… aux dépens ;

Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille treize.

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