INTERVIEW DE

Me LUDIVINE MINA

AVOCATE ASSOCIEE

Cabinet Bornhauser

IMPOT DE SOLIDARITE SUR LA FORTUNE

 

Déclaration des contrats d’assurance-vie et des contrats de capitalisation

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A l’approche de la date fatidique du dépôt des déclarations d’ISF (le 17 juin 2013, pour les contribuables disposant d’un patrimoine net d’une valeur nette supérieure à 2 570 000 €), nous avons souhaité faire un point sur les modalités de déclaration des contrats d’assurance-vie et des contrats de capitalisation. Nous remercions Maître LUDIVINE MINA, avocate associée à Paris (Cabinet Marc Bornhauser – lmina@bornhauser-avocats.fr) d’avoir accepté de répondre à nos questions.

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JACQUES DUHEM (JD)  Pourriez-vous nous indiquer comment déclarer à l’ISF les contrats de capitalisation ?

LUDIVINE MINA (LM) La déclaration du contrat de capitalisation va dépendre de sa situation financière. A ce titre, deux situations peuvent se présenter :

  • Première situation : le contrat est en situation de « plus-value »

Il s’agit de la situation dans laquelle la valeur de rachat du contrat est supérieure à sa valeur nominale.

A ce titre,  il convient en principe de le déclarer pour sa valeur d’investissement majorée des intérêts capitalisés.

Toutefois, le redevable peut y substituer la seule valeur nominale sur le fondement de la doctrine administrative BOI-PAT-ISF-30-50-20-20120912 n° 50.

En revanche, un contrat de capitalisation détenu indirectement, par l’intermédiaire d’une société civile, ne peut bénéficier de cette tolérance administrative et doit par conséquent être déclaré pour sa valeur historique majorée des intérêts.

  • Deuxième situation : le contrat est en situation de « moins-value »

Il s’agit de la situation dans laquelle la valeur de rachat du contrat est devenue inférieure à sa valeur nominale, notamment en raison d’une baisse de valeur des unités comptes dans un contexte de crise boursière.

Dans pareille hypothèse, nous considérons qu’il convient de déclarer la valeur restante sur le contrat pour tenir compte de la perte en capital subie, puisque c’est seulement ce montant que la compagnie d’assurance rembourserait au souscripteur si ce dernier en faisait la demande.

L’administration fiscale a une position contraire et soutient qu’il faut continuer de déclarer la valeur nominale.

C’est l’objet du contentieux que nous avons introduit devant le juge de l’impôt et pour lequel nous avons obtenu une décision favorable (voir ci-après).

JD           La règle est donc différente de celle applicable aux contrats d’assurance-vie ?

LM         Effectivement, les contrats d’assurance-vie sont quant à eux soumis aux règles particulières d’évaluation de l’article 885 F du Code Général des Impôts. Elles prévoient que leur régime est susceptible de varier suivant que l’on se situe dans la phase d’épargne ou à l’échéance du contrat.

Il faut distinguer également les contrats d’assurance-vie rachetables des contrats d’assurance-vie non rachetables.

1.       Contrats d’assurance-vie rachetables

Il faut distinguer selon que l’on se situe au cours de la période d’épargne, ou à l’échéance.

a)      Pendant la phase d’épargne

La valeur du contrat pour l’ISF est la valeur de rachat au 1er janvier de l’année d’imposition, quels que soient l’âge de l’assuré et la date de conclusion du contrat (BOI-PAT-ISF-30-20-10-20120912).

A ce titre, il ressort que pour les contrats d’assurance dits « rachetables », la valeur à prendre en considération est toujours la valeur de rachat au 1er janvier de l’année d’imposition, peu important les éventuelles restrictions apportées à l’exercice de la faculté de rachat

Aucune tolérance administrative n’existe qui aurait permis de ne déclarer que la valeur nominale lorsque le contrat d’assurance-vie est en situation de plus-value.

En revanche, lorsque le contrat a perdu de la valeur, la perte de valeur est prise en compte puisque c’est la valeur de rachat du contrat qui est déclarée.

b)      A l’échéance

Deux hypothèses peuvent se rencontrer :

–          Si l’assuré reçoit de l’assureur le capital convenu : ce capital entre dans le patrimoine taxable de l’assuré.

–          Si l’assuré bénéficie du service d’une rente : la valeur de capitalisation de la rente est incluse dans l’assiette de l’ISF. En outre, la fraction non consommée, au 1er janvier de l’année, des sommes perçues au titre de la rente doit être déclarée en tant que disponibilités.

2.       Contrats d’assurance-vie non rachetables

Les contrats non rachetables sont les suivants :

–          Assurances temporaires en cas de décès

–          Assurances de capitaux de survie et de rente de survie

–          Assurances en cas de vie sans contre-assurance et rentes viagères différées sans contre-assurance.

a)      Pendant la phase d’épargne

Seules les primes versées après l’âge de 70 ans au titre des contrats souscrits à compter du 20 novembre 1991 sont prises en compte, pour leur valeur nominale, dans le patrimoine de celui qui les a versées (art 885 F CGI et BOI-PAT-ISF-30-20-10-20120912).

Par conséquent, les primes versées avant l’âge de 70 ans, et/ou au titre de contrats souscrits avant le 20 novembre 1991, ne sont pas prises en compte.

NB. Les contrats d’assurance-vie contenant une clause d’indisponibilité temporaire (impossibilité de rachat pendant dix ans maximum) ne sont pas considérés comme des « contrats non rachetables », car l’indisponibilité n’est que temporaire.

b)      A l’échéance

Les modalités sont les mêmes que pour les contrats d’assurance-vie rachetables, c’est-à-dire qu’on distingue deux hypothèses :

–          Si l’assuré reçoit de l’assureur le capital convenu : ce capital entre dans le patrimoine taxable de l’assuré.

–          Si l’assuré bénéficie du service d’une rente : la valeur de capitalisation de la rente est incluse dans l’assiette de l’ISF. En outre, la fraction non consommée, au 1er janvier de l’année, des sommes perçues au titre de la rente doit être déclarée en tant que disponibilités.

JD           Comment expliquer cette différence de traitement pour des contrats pourtant très proches ?

LM         S’il est vrai que leur structure d’investissement peut être semblable (investi en euros ou en unités de comptes), il n’en demeure pas moins que l’objectif recherché dans chacun de ces contrats diffère complètement.

Cet objectif distinct justifie la différence de traitement fiscal.

JD           Que se passe-t-il lorsqu’un contrat d’assurance-vie ou un contrat de capitalisation est en moins-value le premier janvier ?

LM         En situation de moins-value, nous considérons que ces deux types de contrat doivent être déclarés pour leur valeur de rachat pour tenir compte de la valeur réelle du patrimoine taxable à l’ISF.

JD           Dans une décision récente du TGI de Paris, vous avez obtenu pour le compte d’un de vos clients, une issue favorable. Pouvez-vous nous résumer l’affaire et analyser la décision des juges.

LM         Dans sa déclaration d’ISF 2010, notre client avait déclaré un de ces contrats de capitalisation pour sa valeur réelle au 31 décembre 2009, selon le décompte remis par la compagnie d’assurances.

Il s’agissait d’un contrat exprimé en unités de compte, c’est-à-dire que la valeur du contrat dépend exclusivement du nombre d’unités de compte contractuel dont la valeur unitaire est représentative d’une fraction d’un ensemble d’investissements sélectionnés par la compagnie d’assurance, lesquels s’apprécient ou se déprécient avec le temps.

Or, l’administration fiscale a remis en cause cette déclaration en considérant que la valeur à déclarer était la valeur d’investissement du contrat de capitalisation (supérieure de près de 500.000 euros à la valeur de réelle).

Dès lors, nous avons saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris.

Le juge de l’impôt devait se prononcer sur la valeur à retenir à l’ISF pour un contrat de capitalisation investi en unités de compte en situation de moins-value.

Son choix en faveur de la déclaration d’une valeur économique réelle et pertinente, plutôt que d’une valeur historique mais fictive, s’imposait de lui-même.

Il a considéré que le contrat de capitalisation constituait une créance à terme pour laquelle la base légale d’évaluation est déterminée par l’article 760 du CGI qui précise que « pour les créances à terme, le droit est perçu sur le capital exprimé dans l’acte et qui en fait l’objet ».

Appliqué au contrat de capitalisation, le juge a considéré que « le capital exprimé dans l’acte et qui en fait l’objet correspond à la valeur du contrat à la date considérée, telle qu’elle est définie par celui-ci, à savoir la contre-valeur en euros du nombre d’unités de compte porté au contrat », étant précisé que cette contre-valeur au 1er janvier de chaque année ressort du relevé de situation annuelle fourni par la compagnie d’assurances au souscripteur du contrat de capitalisation.

En conséquence, notre client a obtenu le dégrèvement d’impôts sollicité à hauteur de xxx euros.

JD           L’administration a-t-elle interjeté appel pour cette décision ?

LM         Oui, l’administration a interjeté appel de cette décision.

Ceci étant, je suis confiante quant à l’issue du litige compte-tenu de la solide motivation du jugement.

JD           A quelques jours de la date de dépôt des déclarations d’ISF pour 2013, quels sont les enseignements pratiques qu’il est possible de tirer de cette décision ?

LM         Selon moi, les détenteurs de contrats de capitalisation en situation de moins-value au 1er janvier 2013 pourraient se prévaloir de la décision du 13 mars 2013 pour ne déclarer que la seule valeur de rachat.

Toutefois, je conseille à ceux désireux de bénéficier de cette décision, de joindre une mention expresse à leur déclaration d’ISF 2013 rappelant les références ainsi que l’attendu de cette décision. Cela leur permettrait, en cas de revirement de jurisprudence, d’échapper au paiement des intérêts de retard.

Enfin, j’invite les redevables de l’ISF dont les contrats de capitalisation étaient déjà en moins-value au titre des années 2010 à 2012 et qui avaient déclaré la valeur nominale, à la place de la valeur de rachat, à demander par la voie d’une réclamation contentieuse le dégrèvement du surplus d’ISF acquitté à tort.

JD           Maître, je vous remercie pour ce précieux éclairage.

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