Les droits du conjoint survivant et l’ISF

La loi du 3 décembre 2001, a modifié et augmenté sensiblement les droits successoraux du conjoint survivant.

Ce dernier peut bénéficier en premier lieu, d’attribution de droits en pleine propriété ou en usufruit, en second lieu, de la garantie temporaire d’un maintien dans la résidence principale, et enfin de la faculté de bénéficier de droits viagers d’habitation sur le logement principal et d’usage sur le mobilier qui le garnit. Désormais, l’usufruit légal du conjoint survivant est visé par l’article 757 du Code civil.

Le CGI prévoit que sous réserve de rares exceptions, les biens ou droits grevés d’un usufruit, d’un droit d’habitation ou d’un droit d’usage accordé à titre personnel, sont conformément aux dispositions de l’article 885 G, 1er alinéa du CGI, compris dans le patrimoine de l’usufruitier ou du titulaire du droit d’usage ou d’habitation pour leur valeur en pleine propriété.

Parmi ces exceptions, figure celle de l’usufruit résultant de l’ancien article 767 du Code civil (Ancien usufruit légal du conjoint survivant – Disposition antérieure à la loi du 3 décembre 2001)

Au regard de l’ISF, le traitement fiscal des droits du conjoint diffère donc selon que la date du décès du conjoint est intervenue avant ou après le 1er juillet 2012. (Le lecteur trouvera à la fin de cette newsletter, un tableau récapitulatif).

A l’approche de la date de dépôt des déclarations d’ISF, il nous apparaît utile de faire le point sur cette question. L’administration a commenté le dispositif applicable dans le cadre d’un BOI du 23 février 2004 reproduit en annexe de cette newsletter.

I           Le conjoint est décédé avant le 1er juillet 2002

Pour les décès intervenus avant le 1er juillet 2002, les dispositions de l’article885 Gdu CGI relatives aux règles d’imposition en cas de démembrement de propriété continuent de s’appliquer en cas d’usufruit légal du conjoint survivant conformément aux dispositions de l’article 767 ancien du Code civil.

Usufruitier et nu propriétaire continuent donc dans cette situation d’être imposés séparément sur la valeur de leur droit déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier et par application du barème de l’article 669 du CGI.

II          Le conjoint est décédé après le 1er juillet 2002

Trois types de droits doivent être distingués :

a)    L’usufruit légal du conjoint survivant

Pour les décès constatés à compter du 1er juillet 2002, les droits légaux en usufruit du conjoint résultent de l’application des dispositions de l’article 757 du Code civil.

L’usufruit légal du conjoint survivant qui résulte de l’application de cette loi relève du principe de la taxation de la pleine propriété des biens dans le patrimoine de l’usufruitier conformément à l’article 885 G du CGI.

Pour ces situations, l’usufruitier est imposé sur la pleine propriété des biens détenus en usufruit, qu’il détienne ses droits de la loi ou d’une disposition à cause de mort, quelle que soit la date de cette donation.

Si le conjoint a reçu de la loi des droits supplémentaires, ces derniers pourront entraîner des coûts supplémentaires en matière d’ISF.

Bien évidemment, en contrepartie, les héritiers qui recueillent la nue-propriété n’ont pas à inclure les biens dans leur patrimoine soumis à l’ISF.

b)    Le droit viager au logement

Le droit d’habitation et d’usage sur le mobilier mentionné à l’article 764 du Code civil est soumis à la règle d’imposition du titulaire sur la pleine propriété des biens objets de ces droits en application de l’article 885 G du CGI.

En contrepartie, les héritiers propriétaires des biens grevés du droit d’habitation et d’usage ne sont pas taxés à l’ISF au titre de ces biens.

c)    Le droit temporaire au logement

Le droit temporaire au logement sur l’habitation principale transmise aux héritiers n’est ni cessible, ni transmissible.

A ce titre, il n’a pas de valeur patrimoniale.

Il échappe en conséquence à l’impôt de solidarité sur la fortune.

S’agissant de la situation des héritiers, propriétaires au 1er janvier d’un immeuble grevé d’un droit temporaire au logement du conjoint survivant, l’administration admet que ces derniers bénéficient de l’abattement de 30 % prévu à l’article 885 S du CGI.

Annexe 1      Tableau récapitulatif

Actif

Sort fiscal de l’actif en matière d’ISF

Conjoint

Enfants

Usufruit légal du conjoint
(décès avant le 1er juillet 2002)
Article 767 du Code civil

Taxable sur l’usufruit

(Article 669 CGI)

Taxable sur la nue-propriété

(Article 669 CGI)

Usufruit légal du conjoint
(décès après le 1er juillet 2002)
Article 757 et s. du Code civil

Taxable sur la pleine propriété

Exonéré jusqu’à l’extinction de l’usufruit

Droit viager au logement
Article 764 du Code civil

Taxable sur la pleine propriété

Exonéré jusqu’à l’extinction du droit

Droit temporaire au logement

Exonéré car aucune valeur patrimoniale

Taxable sur la pleine propriété, après un abattement de 30%

Annexe 2      BOI 7 S 2 04

BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

7 S-2-04

N° 35 du 23 FEVRIER 2004

impôt de solidarité sur la fortune – ASSIETTE – consequences fiscales
de la loi n° 2001-1135 DU 3 DÉCEMBRE 2001 RELATIVE AUX DROITS DU CONJOINT SURVIVANT ET DES ENFANTS ADULTÉRINS ET MODIFIANT DIVERSES DISPOSITIOnS DE DROIT SUCCESSORAL

(C.G.I., art. 885 E et G)

PRESENTATION

La loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 (JO du 4 décembre 2001) s’est attachée notamment à promouvoir les droits du conjoint survivant en modifiant diverses dispositions du droit successoral.

Ainsi, plusieurs innovations essentielles ont été apportées en faveur du conjoint survivant que sont, l’attribution de droits en pleine propriété, la garantie temporaire d’un maintien dans la résidence principale, la faculté de bénéficier de droits viagers d’habitation sur le logement principal et d’usage sur le mobilier qui le garnit.

La présente instruction précise les innovations ainsi apportées sur le plan civil et les conséquences fiscales qui en découlent en matière d’impôt de solidarité sur la fortune

 Section 1 : Le dispositif civil

A. DES DROITS DU CONJOINT SURVIVANT

1. Rappel des dispositions applicables avant l’entrée en vigueur de la loi relative aux droits du conjoint survivant en matière de droits successoraux

1.       Il résulte des dispositions des articles 765, 766 et 767 anciens du code civil que les droits du conjoint survivant sont limités à :

– l’usufruit du quart lorsque le défunt laisse un ou plusieurs enfants soit légitimes, issus ou non du mariage, soit naturels ;

– l’usufruit de la moitié lorsque le défunt laisse des frères et sœurs, des descendants de frères et sœurs, des ascendants ou des enfants naturels conçus pendant le mariage ;

– la totalité en toute propriété lorsque le défunt ne laisse pas de parenté au degré successible, ou s’il ne laisse que des collatéraux autres que des frères et sœurs ou des descendants de ceux ci.

– la moitié de la succession en toute propriété lorsque le défunt ne laisse dans une ligne, paternelle ou maternelle, aucun parent au degré successible, ou s’il ne laisse, dans cette ligne, que des collatéraux autres que des frères ou sœurs ou des descendants de ceux ci ;

2.         Ainsi, le conjoint survivant n’hérite jamais en pleine propriété en présence de descendants sauf lorsque le conjoint survivant hérite en concours avec un enfant adultérin et il ne prime que les héritiers du quatrième ordre (les collatéraux ordinaires) en présence desquels il recueille la totalité de la succession en pleine propriété.

2. Aménagements et innovations issus de la loi relative aux droits du conjoint survivant

a) Accroissement des droits successoraux accordés au conjoint survivant

3.       La loi nouvelle accorde désormais au conjoint survivant des droits en pleine propriété quel que soit le parent laissé par le défunt.

Ainsi, aux termes de l’article 757 nouveau du code civil, le conjoint survivant recueille en présence de descendants de l’époux prédécédé :

– lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, à son choix l’usufruit de la totalité des biens existants ou la pleine propriété du quart des biens ;

– en présence d’un ou plusieurs enfants non issus des deux époux, le quart de la pleine propriété des biens.

4.         Par ailleurs, en présence d’ascendants privilégiés (père et mère du défunt) ou de collatéraux privilégiés (frères et sœurs du défunt), le conjoint recueille également des droits en pleine propriété.

5.         Ainsi, désormais le conjoint survivant prime les collatéraux privilégiés et recueille la totalité des biens successoraux en leur présence dès lors que le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants privilégiés (article 757-2 nouveau du code civil).

Toutefois, dans cette hypothèse afin que le patrimoine familial n’échappe pas totalement à la famille du défunt, le législateur a institué au bénéfice des frères et sœurs du défunt ou de leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l’origine de la transmission, un droit de retour légal portant sur une partie des biens du défunt.

Ce droit de retour atteint les biens reçus par le défunt de ses père et mère par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans sa succession. Prévu par l’article 757-3 nouveau du code civil, il ne porte cependant que sur la moitié des biens concernés, l’autre moitié revenant au conjoint survivant.

6.       En outre, en présence d’ascendants privilégiés le conjoint survivant recueille :

– la pleine propriété de la moitié des biens lorsque le défunt laisse ses père et mère qui eux reçoivent chacun un quart en pleine propriété ;

– la pleine propriété des trois quarts de la succession lorsque le défunt ne laisse que son père ou sa mère.

b) Le droit temporaire au logement et au mobilier qui le garnit

7.       Le conjoint survivant qui à l’époque du décès, occupe effectivement à titre d’habitation principale, un logement appartenant aux deux époux ou dépendant totalement de la succession (c’est-à-dire que le logement est un bien propre ou personnel du prédécédé) a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier compris dans la succession qui le garnit – article 763 alinéa 1 nouveau du code civil – (exécution en nature).

Par ailleurs, dans l’hypothèse où le logement serait assuré au moyen d’un bail à loyer, le second alinéa de l’article 763 nouveau du code civil dispose que les loyers de celui-ci lui seront remboursés par la succession pendant l’année, au fur et à mesure de leur acquittement (exécution en espèces).

8.       Les droits prévus par cet article sont réputés effets directs du mariage. En outre, le dernier alinéa de l’article 763 du code civil prévoit que celui-ci est d’ordre public. Ainsi, toute possibilité d’en priver le conjoint survivant est exclue.

c) Le droit viager au logement et au mobilier qui le garnit

9.       En application de l’article 764 nouveau du code civil, le conjoint survivant qui à l’époque du décès, occupait effectivement à titre d’habitation principale, un logement appartenant aux deux époux ou dépendant totalement de la succession a sur ce logement, jusqu’à son décès, un droit d’habitation et un droit d’usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.

Selon les dispositions de l’article 765-1 nouveau du code civil, le conjoint survivant dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d’habitation et d’usage.

10.     Cela étant, ces droits viagers peuvent être écartés par une manifestation de la volonté contraire du défunt exprimée aux termes d’un acte authentique reçu en la forme solennelle (article 764 alinéa 1 du code civil). Si le défunt décide de priver son conjoint de ce droit viager d’habitation et d’usage, sa décision n’affecte pas les droits en usufruit que le conjoint survivant recueille en vertu de la loi ou d’une libéralité sur la succession.

11.     En outre, selon les termes de l’article 764 alinéa 5 du code civil, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d’habitation n’est plus adapté aux besoins du conjoint survivant, ce dernier ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement.

12.     Enfin, le conjoint survivant et les héritiers peuvent, par convention, convertir les droits viagers d’habitation et d’usage en une rente viagère ou en capital en application des dispositions de l’article 766 nouveau du code civil.

Par ailleurs, lorsque le logement faisait l’objet d’un bail à loyers, le conjoint successible qui, à l’époque du décès, occupait effectivement les lieux à titre d’habitation principale bénéficie du droit d’usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant (article 765-2 nouveau du code civil).

Section 2 : Les incidences fiscales de ces modifications civiles en matière d’impôt de solidarité sur la fortune

1. Droits successoraux en usufruit du conjoint survivant

13.       S’agissant des décès intervenus avant le 1er juillet 2002, les dispositions de l’article 885-G relatives aux règles d’imposition en cas de démembrement de propriété continuent de s’appliquer mutatis mutandis et sans solution de continuité (cf. DB 7 S 3212 n° 32 et suivants) et notamment en cas d’usufruit légal du conjoint survivant conformément aux dispositions de l’article 767 ancien du code civil.

14.       S’agissant des décès intervenus à compter du 1er juillet 2002, les droits légaux en usufruit du conjoint résultent désormais de l’application des dispositions de l’article 757 du code civil.

A législation constante, l’usufruit légal du conjoint survivant résultant de l’application de la nouvelle loi relève du principe de la taxation de la pleine propriété des biens dans le patrimoine de l’usufruitier conformément à l’article 885-G du CGI.

Dès lors, pour les décès intervenus à compter du 1er juillet 2002, l’usufruitier est imposé sur la pleine propriété des biens détenus en usufruit, qu’il détienne ses droits de la loi ou d’une disposition à cause de mort, quelle que soit la date de cette donation.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 758-2 du code civil que l’option du conjoint entre l’usufruit et la pleine propriété se prouve par tout moyen. Sur un plan civil, l’exercice de l’option emporte un effet rétroactif au jour du décès et est irrévocable.

15.           Dans ces conditions et lorsque le décès est intervenu au titre d’une année civile donnée, l’option pour des droits en pleine propriété ou pour des droits en usufruit pourra résulter des termes de la déclaration de succession ou, à défaut, de la déclaration d’ISF déposée au titre de l’année suivante.

2. Le droit viager au logement

16.           En cas d’existence de ce droit au 1er janvier de l’année d’imposition, le droit d’habitation et d’usage sur le mobilier mentionné à l’article 764 du code civil est soumis à la règle d’imposition du titulaire sur la pleine propriété des biens objets de ces droits en application de l’article 885-G du CGI.

L’exercice du droit viager au logement emporte également un effet rétroactif au jour du décès et est irrévocable.

17.           Dans ces conditions et lorsque le décès est intervenu au titre d’une année civile donnée, l’exercice du droit viager pourra résulter des termes de la déclaration de succession ou, à défaut, de la déclaration d’ISF déposée au titre de l’année suivante.

L’imposition à l’ISF du droit viager au logement ne se pose que si le conjoint survivant a manifesté sa volonté d’exercice du droit viager au logement avant le 1er janvier de l’année d’imposition. A défaut, aucune évaluation de ce droit ne doit être effectuée.

Il est précisé que le droit viager au logement existe si, d’une part, le conjoint survivant a manifesté sa volonté d’exercer ce droit dans l’année suivant celle du décès et, d’autre part, aucun droit supérieur n’existe ; tel est le cas lorsque le conjoint survivant opte pour l’usufruit de la totalité de la succession ou si le logement est attribué en pleine propriété au conjoint survivant au titre de ses droits successoraux en pleine propriété.

3. Le droit temporaire au logement

a) Exercice en nature (cf. n° 7)

18.  Le droit temporaire au logement sur l’habitation principale transmise aux héritiers n’est ni cessible, ni transmissible. A ce titre, il n’a pas de valeur patrimoniale. Il échappe en conséquence à l’impôt de solidarité sur la fortune.

S’agissant de la situation des héritiers, propriétaire au 1er janvier d’un immeuble grevé d’un droit temporaire au logement du conjoint survivant, il est admis que ces derniers bénéficient de l’abattement de 20 % prévu à l’article 885 S du CGI.

19.    Dans l’hypothèse où l’habitation du conjoint successible était assumée à l’époque du décès au moyen d’un bail à loyer, ce dernier a droit sur une année au remboursement par les héritiers des loyers acquittés. Dans ces conditions, la créance représentative du droit acquis au remboursement devra figurer à l’actif de la déclaration d’ISF du conjoint survivant. Corrélativement, elle constituera une dette pour les héritiers du conjoint prédécédé.

Section 3 : Entrée en vigueur

Les dispositions civiles de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 et commentées dans la présente instruction s’appliquent aux décès intervenus à compter du 1er juillet 2002 et donc pour l’ISF dû à compter de l’année 2003.

 

Annoter : documentation de base. 7 S-3212.

 

Le Sous-directeur

 

               Jean-Pierre LIEB

 

 

 

 


Disposition applicable aux décès intervenus à compter du 1er juillet 2002.

Conjoint survivant - Démembrement - droit temporaire au logement - droit viager au logement - ISF - Jacques Duhem - Usufruit -