STEPHRegards sur le dispositif DUFLOT.

Interview de STEPHANE PILLEYRE

Jacques Duhem : Bonjour Stéphane, tu as analysé en profondeur le dispositif Duflot. Que peux-tu nous en dire d’une manière générale ?

Stéphane Pilleyre : Bonjour Jacques, la loi de finances pour 2013 a mis en place un nouveau dispositif d’incitation fiscale à destination de l’immobilier locatif. Ce dispositif, plus communément appelé « dispositif Duflot », est désormais codifié dans le Code général des impôts à l’article 199 novovicies. Ce dernier expose le régime dans ses grandes lignes. Un certain nombre de points ne sont évoqués que partiellement et nécessitent des commentaires plus détaillés de la part de l’Administration fiscale. Or à ce jour, aucun commentaire n’a été publié dans le BOFIP. Je ne peux donc qu’apporter des commentaires d’ordre général.

JD : L’absence de commentaires est-elle fortement contraignante ?

SP : Oui, car pour faire un parallèle avec le dispositif Scellier, celui-ci a fait l’objet de 3 instructions fiscales (BOI) représentant 176 pages de commentaires ! A la lecture de chacune de ces instructions, nombreuses ont été les surprises sur un certain nombre aspects non traités par le Code général des impôts. La prudence est donc de règle pour l’instant…

JD : En attendant ces commentaires, quelle analyse peux-tu nous proposer ?

SP : Beaucoup de choses peuvent être d’ores et déjà soulignées.

Mais avant tout, je tiens à revenir sur la réglementation concernant toute publicité « relative à une opération d’acquisition de logement destiné à la location et susceptible de bénéficier d’un avantage ».  L’article 28 de la loi du 1er juillet 2010 impose des mentions obligatoires tant sur le fond que sur la forme. Compte tenu des risques importants de remise en cause de l’avantage fiscal, il me semble primordial que tout participant à une opération de défiscalisation immobilière prenne les précautions nécessaires pour se conformer aux exigences de la loi.

Autre élément important, le plafonnement des niches fiscales. Avec un plafond de 10 000 € pour tout investissement réalisé en 2013, il conviendra d’être prudent dans les simulations remises aux futurs investisseurs. J’attire l’attention de nos lecteurs sur l’indispensable écrit dans lequel il sera primordial, en préambule à toute simulation, de rappeler les éléments externes au projet, notamment les réductions et crédits d’impôts dont dispose d’ores et déjà l’investisseur en 2013 (et leur origine investissements/dépenses réalisés en 2013, 2012, 2011, 2010 et 2009).

JD : Pourquoi détailler autant la défiscalisation actuelle de l’investisseur ?

SP : Tout simplement en raison du plafonnement des niches fiscales et de la sextuple liquidation opérée en 2013 pour vérifier si certains avantages fiscaux ne vont pas être remis en cause. La méthode est complexe, mais il me semble prudent de la comprendre, mieux de la maîtriser, pour éviter toute disconvenue future… A titre d’exemple, sur 10 000 € de plafond 2013, 7 250 € peuvent être consommés uniquement avec un employé à domicile (50% x 12 000 €) et des frais de garde d’enfant (2 500 € x 50%). Il ne reste plus grand chose pour de la défiscalisation pure sauf à investir en Outre Mer et en Sofica pour atteindre le plafond spécifique de 18 000 €. Sachant que dans mon exemple je me limite à un investisseur qui n’a que des avantages issus de 2013. Je pourrais complexifier la situation en introduisant des investissements de type Malraux, LMNP Bouvard, Scellier réalisés entre les années 2009 et 2012 et qui offrent une réduction d’impôt en 2013, dans ces conditions, nous nous rapprochons du casse-tête…

JD : En sus de ces points de vigilance d’ordre général, à qui s’adresse le dispositif Duflot ?

SP : Ce dispositif, codifié dans le Code général des impôts sous l’article 199 novovicies, prévoit que pourront bénéficier de la réduction que les contribuables français au sens de l’article 4 du CGI. En d’autres termes, sont concernés les résidents fiscaux vivant en France métropolitaine, mais également ceux vivant en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à la Réunion. La loi n’évoque pas la situation du contribuable qui quitterait le territoire français, on peut toutefois penser que le traitement sera identique au dispositif Scellier, c’est-à-dire une perte définitive de la réduction d’impôt non utilisée pendant toute la période où l’investisseur n’a plus le statut de résident fiscal français.

JD : Et qu’en est-il de l’investissement lui même ?

SP : Première nouveauté, il est possible de réaliser deux investissements par an et par foyer fiscal (au lieu d’un seul dans le cadre du dispositif Scellier).

Sont concernés les investissements pour lesquels l’acte authentique d’acquisition est signé entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016.

Sont éligibles :

  • Les logements neufs achevés
  • Les logements en l’état futur d’achèvement
  • Les logements construits par le contribuable
  • Les logements qui font ou ont fait l’objet de travaux permettant la production ou livraison d’un immeuble neuf
  • Les logements qui font ou ont fait l’objet de travaux de réhabilitation
  • Les locaux qui font ou ont fait l’objet de travaux de transformation en logement

Des conditions portant sur l’investissement même sont prévues. Ainsi, un délai maximum d’achèvement est prévu selon que le bien est construit ou fait l’objet de travaux de réhabilitation. De plus, pour ouvrir droit à la réduction d’impôt, il devra répondre à un niveau de performance énergétique.

Pour les investissements réalisés dans le neuf ou en l’état futur d’achèvement :

Permis de construire déposé avant le 1er janvier 2013 Permis de construire déposé à compter du 1er janvier 2013
Label « bâtiment basse consommation d’énergie, BBC 2005 » défini dans l’arrêté du 3 mai 2007 relatif au contenu et aux conditions d’attribution du Label « haute performance énergétique » Réglementation thermique 2012 (RT 2012)

Pour les investissements réalisés dans l’ancien :

Soit

Soit

Label « haute performance énergétique rénovation, HPE rénovation 2009 »

Ou

Label « bâtiment basse consommation énergétique rénovation, BBC rénovation 2009 »

Performance énergétique globale pour au moins 2 des 4 catégories suivantes :

isolation de la toiture ou des murs donnant sur l’extérieur,

fenêtres,

système de chauffage,

système de production d’eau chaude sanitaire

 

Enfin, le bien devra être situé en zone A (et A bis), B1 et B2. La zone C est exclue du dispositif Duflot. Attention ! Il est précisé que les investissements en zone B2 ne sont possibles que dans les communes caractérisées par des besoins particuliers en logement locatif qui ont fait l’objet, dans des conditions définies par décret, d’un agrément du représentant de l’Etat dans la région après avis du comité régional de l’habitat mentionné à l’article L364-1 du Code de la construction et de l’habitation. Toutefois, aucun agrément n’est nécessaire en zone B2 pour les logements que le contribuable acquiert jusqu’au 30 juin 2013 ou fait construire et qui font l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire jusqu’à cette date. Au delà, toute vente en zone B2 devra être accompagnée de l’agrément, faute de quoi, j’ai bien peur que la responsabilité du promoteur soit en jeu…

Si nos lecteurs s’interrogent sur les communes listées dans chacune de ces zones, je les invite à consulter :

  • l’arrêté du 22 décembre 2010 (JORF n°0297 du 23 décembre 2010 page 22559) pour la zone A bis,
  • l’arrêté du 29 avril 2009 (JORF n°0103 du 3 mai 2009 page 7487) pour les zones A, B1 et B2

Ces arrêtés sont consultables sur le site www.legifrance.gouv.fr

Dernier point, il est prévu une obligation de « mixité » via un quota de logement hors Duflot pour les immeubles collectifs comportant au moins 5 logements. Ainsi, il est prévu qu’au moins 20% des logements, soit 1 sur 5, ne soient pas réalisés dans le cadre du dispositif Duflot (location classique ou accession à la propriété). Il est donc prévu de mentionner dans l’acte authentique d’acquisition l’objet de l’investissement. Le non respect du quota est sanctionné par une amende de 18 000 € par logement excédentaire. Ce point appelle plusieurs remarques : quid si l’acquéreur change d’avis (opte pour le dispositif Duflot alors que dans l’acte il avait pris un engagement différent), qui supporte l’amende ? Ne va-t-on pas arriver à des projets où le promoteur ne respectera pas le quota et provisionnera les amendes par un surcoût sur les logements cédés. Cette mesure nous apparaît pour le moins difficile à gérer…

JD : Je suppose qu’il y a des conditions relatives à la location ?

SP : La réduction d’impôt est bien entendu conditionnée à un engagement de location de 9 années (constatée jusqu’à présent dans le formulaire 2044-EB à fournir l’année d’achèvement du bien).

Il ne sera pas possible de louer à un ascendant ni à un descendant, quand bien même il ne serait pas rattaché au foyer fiscal du propriétaire bailleur.

La location est également conditionnée au travers d’un plafond de loyer et un plafond de ressources du locataire. Ces éléments ont été définis par l’arrêté du 29 décembre 2012 (JO 30 p. 21122) et le décret 2012-1532 du 29 décembre 2012 (JO 30 p. 21113).

JD : Peux-tu nous en dire plus sur ces plafonds de loyers et de ressources ?

SP : Bien sûr, s’agissant des loyers, un plafond est défini pour chacune des zones :

  • Zone A bis : 16,52 €
  • Reste de la zone A : 12,27 €
  • Zone B1 : 9,88 €
  • Zone B2 : 8,59 €

Ce qui est plus complexe dans ces plafonds, c’est qu’ils seront être minorés ou majorés par un coefficient multiplicateur. Ce coefficient est égal à 0,7 + 19/Surface du logement, sans pouvoir excéder 1,2 (La surface à prendre en compte s’entend de la surface habitable au sens de l’article R111-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), augmentée de la moitié, dans la limite de 8 mètres carrés par logement, de la surface des annexes mentionnées aux articles R 353-16 et R 331-10 du même Code).

Le tableau suivant donne une idée du coefficient en fonction de la surface :

surface 20m2 30m2 40m2 50m2 60m2 70m2 80m2 90m2
coef. 1,20 1,20 1,18 1,08 1,02 0,97 0,94 0,91

 

On peut alors obtenir les plafonds suivants par zone et par surface habitable :

surface 20m2 30m2 40m2 50m2 60m2 70m2 80m2 90m2
Abis 396 € 660 € 776 € 892 € 1 007 € 1 123 € 1 239 € 1 354 €
A 294 € 490 € 576 € 662 € 748 € 834 € 920 € 1 006 €
B1 237 € 395 € 464 € 533 € 602 € 671 € 741 € 810 €
B2 206 € 343 € 403 € 463 € 523 € 584 € 644 € 704 €

 

Enfin, il reste les conditions de ressources du locataire. Ces dernières sont appréciées à la date de conclusion du bail en fonction du revenu fiscal de référence de l’avis d’imposition N-1 (revenus N-2) :

Composition du foyer fiscal du locataire Abis A B1 B2
Personne seule 36 502 € 36 502 € 29 751 € 26 776 €
Couple 54 554 € 54 554 € 39 731 € 35 757 €
Personne seule ou couple ayant 1 personne à charge 71 515 € 65 579 € 47 780 € 43 002 €
Personne seule ou couple ayant 2 personnes à charge 85 384 € 78 550 € 57 681 € 51 913 €
Personne seule ou couple ayant 3 personnes à charge 101 589 € 92 989 € 67 854 € 61 069 €
Personne seule ou couple ayant 4 personnes à charge 114 315 € 104 642 € 76 472 € 68 824 €
Majoration par pers. à charge suppl. à partir de la 5ème +12 736 € +11 659 € +8 531 € +7 677 €

JD : il nous manque l’essentiel, la réduction d’impôt…

SP : C’est très simple, le taux est de 18%, la réduction est répartie de manière égalitaire sur 9 ans soit 2% par an de réduction d’impôt. Cette réduction est calculée sur le prix de revient de l’investissement qui fait l’objet lui aussi d’un double plafonnement.

Le premier plafonnement concerne l’investissement global annuel qui ne peut excéder 300 000 €.

Le second concerne un plafonnement du prix de revient au mètre carré. Il a été précisé par le décret 2012-1532 du 29 décembre 2012 qui prévoit un plafond unique pour toutes les zones de 5 500 €/m2. Si ce plafond paraît important pour la zone B2, il est très faible pour la zone A voire Abis.

Ce plafonnement du prix de revient semble vous rappeler quelque chose ? C’est normal, il a été introduit pour les investissements Scellier réalisés en mars 2013 (les plafonds étaient alors différenciés par zone avec un maximum de 5 000 €/m2 pour la zone A bis).

JD : Tu ne nous as pas parlé de la possibilité d’investir en société ou en indivision…

SP : Les deux sont possibles, mais les modalités n’ont pas été précisées, attendons les commentaires du BOFIP. Pour rappel, dans le cadre du dispositif Scellier, que ce soit en indivision ou SCI, le maximum d’un logement s’analysait pour l’indivision/SCI (et non par associé/indivisaire), tout comme le plafond de 300 000 €.

JD : Au vu de ton analyse, il me semble que l’on peut faire un parallèle entre le nouveau dispositif Duflot et le dispositif Scellier ?

SP : La comparaison entre ces deux dispositifs est la bienvenue car certaines acquisitions réalisées en 2013 seront éligibles aux deux dispositifs. L’investisseur devra donc s’interroger sur la solution la plus adaptée à ses besoins, aux conditions du marchée locatif, etc. Voici ci-dessous deux tableaux récapitulant les principales différences entre Duflot, Scellier classique et Scellier intermédiaire :

Critères de différenciation Scellier Scellier interm. Duflot
Nombre de logements par an 1 1 2
Eligible zone C Oui Oui Non
Plafonds de loyer Abis (métropole) 22,08 € 17,66 € 16,52 €
Plafonds de loyer A (métropole) 16,38 € 13,10 € 12,27 €
Plafonds de loyer B1 (métropole) 13,22 € 10,58 € 9,88 €
Plafonds de loyer B2 (métropole) 10,78 € 8,62 € 8,59 €
Coefficient multiplicateur sur plafond loyer Non Non Oui
Location à un ascendant/descendant Oui Non Non
Plafond de ressources du locataire Non Oui Oui
Quota de logements hors dispositif fiscal Non Oui Oui
Plafond de prix de revient A et Abis 5 000 €/m2 5 000 €/m2 5 500 €/m2
Plafond de prix de revient B1 4 000 €/m2 4 000 €/m2 5 500 €/m2
Plafond de prix de revient B2 2 100 €/m2 2 100 €/m2 5 500 €/m2
Taux réduction d’impôt métropole 13% 13% + 2×4%= 21% 18%
Taux réduction d’impôt outre mer 24% 24% + 2×4%= 32% 29%
Abattement spécifique sur loyers -30%

JD : As-tu pu faire des comparatifs chiffrés de ces différents dispositifs ?

SP : Tout à fait, les résultats sont parfois étonnants, mais cela dépend surtout des données rentrées. Bien évidemment, si l’on compare un investissement de 300 000 € en zone B1 avec un prix de revient inférieur à 4 000 € le mètre carré et la possibilité de louer le bien au plafond de loyers dans les deux cas, le Scellier est plus intéressant. J’insiste le résultat dépend totalement des données de saisie… Je ne peux donc me prononcer de manière catégorique.

Notons que le choix du dispositif fiscal est à faire lors de la mise en location et non lors du dépôt de la déclaration d’impôt l’année qui suit l’achèvement du bien. En effet, les conditions de loyers et ressources du locataire sont trop différentes sauf à partir sur les plafonds les plus bas pour se laisser toutes les possibilités, est-ce bien judicieux ?

JD : Merci Stéphane pour ces premiers éclairages

SP : De rien Jacques, je continue mon analyse dans l’attente des commentaires dans le BOFIP. Je pense que nous découvrirons encore de nombreux points de détails à présenter à nos lecteurs. Je vais maintenant m’attacher à refaire un point sur les différents dispositifs qui s’offrent aux contribuables français en matière d’investissements immobiliers. En effet, l’offre est pléthore et répond parfois des besoins totalement antagonistes. L’idéal est de pouvoir faire un comparatif (lorsque c’est possible) entre un investissement dans l’ancien, dans l’ancien avec travaux de rénovation, en nue-propriété, en Malraux, en Duflot et en location meublée… Affaire à suivre prochainement…

Nous retrouverons prochainement Stéphane Pilleyre pour une formation d’une durée de 7 heures consacrée à l’investissement immobilier locatif : Analyse juridique, économique et fiscale.

Le 28 mars 2013 à Clermont Ferrand

Le 23 mai 2013 à Lille

Le 28 mai 2013 à Lyon

Le 29 mai 2013 à Paris

Le 6 juin 2013 à Aix en Provence

Le 11 juin 2013 à Nantes

(Deux autres dates seront aussi proposées dans le sud-ouest et dans l’est)

(Le détail de la formation et le bulletin d’inscription seront prochainement mis en ligne sur ce site)

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